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POLYBE, LIV. IV.

Cet ordre fut exécuté par les Macédoniens avec une vivacité et une valeur étonnantes. Les assiégés coururent de tous côtés, et principalement aux endroits où l’on voyait les Macédoniens s’approcher. Pendant ce temps‑là Philippe, sans que personne s’en fût aperçu, était monté avec une troupe de gens choisis à la citadelle par je ne sais quelles routes coupées en précipices. Le signal se donne, et aussitôt tous en même temps vont à l’escalade. Le faubourg de la citadelle n’était pas défendu : le roi s’en saisit, et y mit le feu. Cela fit trembler ceux qui défendaient les murailles, car, la citadelle prise, il ne leur restait plus aucune ressource. Dans cette crainte ils laissent les murailles de la ville, et se sauvent dans la citadelle ; les Macédoniens se rendent maîtres de la ville. Bientôt après, la citadelle envoya une députation au roi, à qui l’on en ouvrit les portes, sous la condition que la garnison aurait la vie sauve.

Des conquêtes si rapides jetèrent la frayeur dans toute la Triphylie. On y tint conseil sur l’état présent de la patrie. Pour comble de disgrâce Phylidas sortit de Typanée, et s’en alla à Léprée, pillant, en passant, ses propres alliés. Car ce fut alors la récompense qu’eurent les alliés des Étoliens : ils furent non-seulement abandonnés lorsqu’ils avaient le plus besoin de secours ; mais, pillés et trahis, ils en souffrirent plus qu’ils n’auraient souffert d’ennemis victorieux. Les Typanéates se rendirent à Philippe, Ypane fit de même. La terreur se répandit de la Triphylie chez les Phiabiens, qui, de dépit contre les Étoliens, dont l’alliance leur était devenue odieuse, s’emparèrent à main armée du lieu où s’assemblaient les polémarques. Il y avait dans Phialie des pirates étoliens, qui demeuraient là pour être à portée de piller le pays des Messéniens. D’abord ils eurent quelque dessein de s’emparer de la ville ; mais comme ils virent tous les habitans assemblés pour la défendre, ils changèrent de sentiment : ils prirent des assurances de la part de la ville, et en sortirent avec leur bagage. Après quoi les Phialiens envoyèrent des ambassadeurs à Philippe, et le reçurent dans la ville.

Pendant ce temps‑là les Lépréates, s’étant saisi d’une partie de leur ville, prièrent les Éléens, les Étoliens et les troupes qui leur étaient aussi venues de Lacédémone, de sortir de la citadelle et de la ville. D’abord Phylidas fit la sourde oreille, et restait dans la ville comme pour la tenir en respect ; mais quand Taurion avec des troupes fut venu de la part du roi à Phialie, et que Philippe lui‑même en fut approché, les armes tombèrent des mains à Phylidas ; les Lépréates au contraire ranimèrent leurs espérances. Quoiqu’il y eût dans la ville mille Éléens, mille hommes tant Étoliens que pirates, cinq cents mercenaires, deux cents Lacédémoniens, et que leur citadelle eût été occupée, ils ne se laissèrent point abattre, ils eurent la fermeté d’entreprendre de se rétablir dans leur patrie. Ce courage et l’approche des Macédoniens épouvanta Phylidas ; il sortit de la ville, et avec lui les Éléens et les Lacédémoniens. Les Crétois, qui étaient venus pour les Spartiates, s’en retournèrent chez eux par la Messénie ; Phylidas se retira à Samique, et les Lépréates, remis en possession de leur pays, envoyèrent des ambassadeurs au roi, et lui livrèrent leur ville.