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POLYBE, LIV. IV.

envoyés en Illyrie contre Demetrius de Pharos, comme nous avons dit dans le premier livre ; Antiochus pensait à la conquête de la Cœlo-Syrie, que Théodotus s’était chargé de lui livrer ; Ptolémée faisait des préparatifs contre Antiochus. Lycurgue, marchant sur les traces de Cléomène, assiégeait l’Athénée des Mégalopolitains ; les Achéens rassemblaient de la cavalerie et de l’infanterie étrangère pour la guerre dont ils étaient menacés de tous côtés ; Philippe partait de Macédoine à la tête de dix mille Macédoniens pesamment armés, et de cinq mille hommes de troupes légères ; et dans ce même temps où l’on se disposait partout à prendre les armes, les Rhodiens déclarèrent aussi la guerre aux Byzantins. Voyons pour quel sujet.




CHAPITRE X.


Description de Byzance.


Byzance, par rapport à la mer, est, de toutes les villes du monde, celle où l’on peut vivre le plus en sûreté et dans la plus grande abondance de toutes choses ; mais, eu égard à la terre, c’est aussi, de toutes les villes, celle où ces deux avantages se trouvent le moins. Par rapport à la mer, située à l’entrée du Pont, elle le commande tellement qu’aucun marchand ne peut y aborder ni en sortir malgré les Byzantins, qui, par conséquent, sont les maîtres de tout ce que ce riche et fertile pays produit et reçoit pour les nécessités et commodités de la vie ; il produit les cuirs et un grand nombre de bons esclaves, et pour les commodités, le miel, la cire, les viandes salées de toute espèce, et il reçoit ce que nous avons de trop, l’huile et toutes sortes de vins ; pour le blé, tantôt il nous en fournit, tantôt nous lui en fournissons, selon le besoin. Il fallait donc nécessairement ou que les Grecs fussent privés de toutes ces choses, ou que le commerce leur en devînt inutile, si les Byzantins leur voulaient du mal, ou s’ils se liaient d’intérêt avec les Galates ou plutôt avec les Thraces, ou encore s’ils quittaient le pays. Car le détroit est si resserré et les Barbares des environs en si grand nombre, qu’assurément nous ne pourrions jamais le franchir pour entrer dans le Pont. Je veux donc bien que les Byzantins soient les premiers à profiter des avantages que leur procure l’heureuse situation de leur ville, qu’ils puissent faire sortir tout ce qu’ils ont de trop et faire entrer tout ce qui leur manque, sans peine ni péril. Comme cependant on doit convenir que c’est à eux qu’on est redevable de bien des choses, il est juste qu’on les regarde comme des bienfaiteurs communs, et que non-seulement les Grecs aient de la reconnaissance, mais encore qu’ils leur prêtent du secours contre les insultes des Barbares.

Mais arrêtons‑nous un peu à la description de cette ville, et faisons voir d’où lui vient l’abondance de toutes les choses dont elle jouit ; car il y a peu de gens qui en soient instruits, parce qu’elle est située un peu au‑delà des pays qu’on a coutume d’aller voir. Nous voudrions bien que tout le monde connût et vît même de ses propres yeux ce qu’il y a dans chaque pays de rare et singulier ; mais, puisque cela ne se peut pas, nous souhaiterons du moins qu’on en eût une idée qui approchât le plus près qu’il serait possible de la vérité. La mer qu’on appelle le Pont a environ vingt‑deux mille stades de circonférence. Elle a deux bouches diamétralement opposées, l’une du côté de la Propontide, l’autre du côté des