Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/520

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
512
POLYBE, LIV. IV.

raisonnable, il déclara la guerre aux Messéniens.




CHAPITRE II.


Discours de Dorimaque pour irriter les Étoliens contre Messène. — Hostilités des Étoliens. — Aratus se charge du commandement. — Portrait de ce préteur.


Ariston était alors préteur chez les Étoliens : mais comme il était trop accablé d’infirmités pour se mettre à la tête d’une armée, et qu’il était d’ailleurs parent de Dorimaque et de Scopas, il céda en quelque sorte au premier le commandement. Dorimaque n’osa pas dans les assemblées publiques porter ses concitoyens à déclarer la guerre aux Messéniens ; il n’en avait aucun prétexte plausible, et tout le monde connaissait le sujet qui l’irritait si fort contre cette république. Il prit donc un autre parti, qui fut d’engager secrètement Scopas à entrer dans le dépit qu’il avait contre les Messéniens. Il lui représenta qu’il n’avait rien à craindre du côté des Macédoniens, parce que Philippe, qui était à la tête des affaires, avait à peine dix‑sept ans ; que les Lacédémoniens n’étaient pas assez amis des Messéniens pour prendre leur parti ; et qu’enfin les Éléens, attachés aux Étoliens comme ils étaient, ne manqueraient pas dans cette occasion d’entrer dans leurs intérêts et de leur prêter du secours ; d’où il concluait que rien ne pourrait les empêcher d’entrer dans Messène. Il ajouta, ce qui devait faire le plus d’impression sur un Étolien, qu’il y aurait un butin immense à faire dans ce pays, où personne n’était en garde contre une descente, et qui pendant la guerre de Cléomène avait été le seul qui n’eût rien souffert ; que cette expédition leur attirerait la faveur et les applaudissemens de tout le peuple d’Étolie ; que si les Achéens refusaient le passage sur leurs terres, ils n’auraient pas le droit de se plaindre si on se l’ouvrait par force ; que s’ils ne remuaient pas, ils ne mettraient aucun obstacle à leur projet ; qu’enfin ils ne manqueraient pas de prétexte contre les Messéniens, qui depuis long-temps avaient eu l’injustice de promettre le secours de leurs armes aux Achéens et aux Macédoniens.

Ces raisons et d’autres semblables que Dorimaque entassa sur le même sujet, persuadèrent si bien Scopas et ses amis, que, sans attendre une assemblée du peuple, sans consulter les magistrats, sans rien faire de ce qui convenait en pareille occasion sur leurs propres lumières et ne suivant que leur passion, ils déclarèrent la guerre tout à la fois aux Messéniens, aux Épirotes, aux Achéens, aux Acarnaniens et aux Macédoniens. Sur‑le‑champ ils firent embarquer des pirates, qui, ayant rencontré vers Cythère un vaisseau du roi de Macédoine, le firent entrer dans un port d’Étolie, et vendirent les pilotes, les rameurs et le vaisseau même. Montés sur les vaisseaux des Céphalléniens, ils ravagèrent la côte d’Épire ; firent des tentatives sur Tyrée, ville de l’Acarnanie ; ils envoyèrent des partis dans le Péloponnèse, et prirent au milieu des terres des Mégalopolitains le château de Clarios, dont ils se servirent pour y vendre à l’encan leur butin, et pour y garder celui qu’ils faisaient. Mais le château fut en peu de jours forcé par Timoxène, préteur des Achéens, et par Taurion, qu’Antigonus avait laissé dans le Péloponnèse pour y veiller sur les intérêts des rois de Macédoine. Car Antigonus obtint à la vérité des Achéens la ville de Corinthe dans le temps de Cléomène ; mais, loin de leur rendre Orchomène