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POLYBE, LIV. III.

dans la Tyrrhénie, où la guerre devait se faire. Ils dépêchèrent aussi vers Hiéron pour lui demander du secours, et ce roi leur fournit cinq cents Crétois et mille soldats à pavois. Enfin il n’eut point de mesure que l’on ne prît, point de mouvement que l’on ne se donnât ; car tels sont les Romains en général et en particulier, que, plus ils ont de raisons de craindre, plus ils sont redoutables.

Dans la même campagne, Cn. Cornelius Scipion, à qui Publius son frère avait laissé, comme nous avons déjà dit, le commandement de l’armée navale, étant parti des embouchures du Rhône avec toute sa flotte, et ayant pris terre en Espagne vers Emporium, assiégea, sur la côte jusqu’à l’Èbre, toutes les villes qui refusèrent de se rendre, et traita avec beaucoup de douceur celles qui se soumirent de bon gré. Il veilla à ce qu’il ne leur fût fait aucun tort ; il mit bonne garnison dans les nouvelles conquêtes qu’il avait faites, puis, pénétrant dans les terres à la tête de son armée, qu’il avait déjà grossie de beaucoup d’Espagnols devenus ses alliés à mesure qu’il avançait dans le pays, tantôt il recevait dans son amitié, tantôt il prenait par force les villes qui se rencontraient sur sa route. À Cisse, Hannon, à la tête d’un corps de Carthaginois, vint camper devant lui, Cornelius lui livra bataille, la gagna, et fit un butin très-considérable, parce que c’était là qu’avaient laissé leurs équipages tous ceux qui étaient passés en Italie. Outre cela il se fit des alliés de tous les peuples d’en deçà de l’Èbre, et fit prisonniers Hannon même, et Andobale qui commandait les Espagnols. Celui-ci avait une espèce de royaume dans le pays, et avait toujours été fort attaché aux intérêts des Carthaginois.

Sur l’avis qu’Asdrubal reçut de ce qui était arrivé, il passa l’Èbre et courut au secours de Hannon. Les troupes navales des Romains n’étaient point sur leurs gardes ; elles se tranquillisaient en songeant à l’avantage qu’avait remporté l’armée de terre. Il saisit habilement cette occasion, prend avec lui un détachement d’environ huit mille hommes de pied et mille chevaux ; il surprend ces troupes dispersées de côté et d’autre, en passe un grand nombre au fil de l’épée, et pousse les autres jusqu’à leurs vaisseaux. Il se retira ensuite, et, repassant l’Èbre, il prit son quartier d’hiver à la nouvelle Carthage, où il donna tous ses soins à de nouveaux préparatifs, et à la garde des pays d’en deçà du fleuve. Cn. Cornelius, de retour à la flotte, punit selon la sévérité des lois ceux qui avaient négligé le service ; puis, ayant réuni les deux armées, celle de mer et celle de terre, il alla prendre ses quartiers à Tarragone. Là, partageant le butin en parties égales aux soldats, il se gagna leur amitié, et leur fit souhaiter avec ardeur que la guerre continuât. Tel était l’état des affaires en Espagne.

Le printemps venu, Flaminius se mit en marche, prit sa route par la Tyrrhénie, et vint camper droit à Arétium, pendant que Servilius alla à Ariminum pour fermer aux ennemis les passages de ce côté-là. Pour Annibal, qui avait pris ses quartiers d’hiver dans la Gaule Cisalpine, il retenait dans les cachots les prisonniers romains qu’il avait faits dans la dernière bataille, et leur donnait à peine le nécessaire ; au lieu qu’il usait de toute la douceur possible à l’égard de ceux qu’il avait pris sur leurs alliés. Il les assembla un jour, et leur dit que ce n’était pas pour leur faire la guerre qu’il était venu, mais pour prendre