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POLYBE, LIV. II.

Quand il vit, d’un côté, que les Mégalopolitains soutenaient la guerre à regret, parce qu’ils ne recevaient aucun secours de la part des Achéens, qui étaient aussi fort pressés ; et de l’autre, que, depuis les bienfaits qu’ils avaient reçus de Philippe, fils d’Amyntas, ils étaient fort prévenus en faveur de la maison royale de Macédoine, il ne douta point que, se sentant accablés, ils n’eussent au plus tôt recours à Antigonus, et n’implorassent les forces des Macédoniens. Il communiqua son secret à Nicophanès et à Cercidas, deux Mégalopolitains, qui avaient chez son père droit d’hospitalité, tous deux fort propres à son dessein. Par leur entremise, il lui fut aisé de persuader aux Mégalopolitains d’envoyer des députés aux Achéens, et de les presser d’envoyer demander du secours à Antigonus. Les Mégalopolitains choisirent pour députés Nicophanès et Cercidas, et leur ordonnèrent d’aller d’abord chez les Achéens, et de là aussitôt chez Antigonus, en cas que les Achéens y consentissent.

Les Achéens l’ayant bien voulu, Nicophanès entra en conférence avec Antigonus. Sur sa patrie il ne dit que peu de chose, et que ce qu’il ne pouvait se dispenser de dire ; mais il s’étendit beaucoup sur les affaires présentes, selon les avis et les instructions qu’il avait reçus d’Aratus. Il fit voir à ce prince ce que l’on devait attendre de la ligne qu’avaient faite ensemble les Étoliens et Cléomène, et où elle tendait ; que les Achéens seraient les premiers à en souffrir ; mais qu’il avait aussi des mesures à prendre pour s’en mettre lui‑même à couvert ; qu’il était évident que les Achéens, attaqués de deux côtés, ne pouvaient manquer de succomber ; qu’il était encore plus visible que les Étoliens et Cléomène, après s’être rendus maîtres des Achéens, ne s’en tiendraient pas à cette conquête ; que la Grèce entière suffirait à peine pour rassasier la passion qu’ils avaient de s’agrandir, loin qu’ils voulussent la contenir dans les bornes du Péloponnèse ; que Cléomène pour le présent semblait se contenter de commander dans cette province ; mais qu’il ne s’y serait pas plus tôt établi, qu’il ambitionnerait de dominer sur toute la Grèce, à quoi il ne pouvait parvenir que par la ruine des Macédoniens ; qu’il n’avait donc qu’à se tenir sur ses gardes, et à examiner lequel des deux convenait mieux à ses intérêts, ou de se joindre avec les Achéens et les Béotiens pour disputer à Cléomène dans le Péloponnèse l’empire de la Grèce ; ou, en négligeant de se lier avec une nation très-puissante, de défendre dans la Thessalie son royaume contre tous les peuples de l’Étolie et de la Béotie joints aux Achéens et aux Lacédémoniens ; que si les Étoliens, par reconnaissance pour les services qu’ils avaient reçus des Achéens du temps de Demetrius, se tenaient en repos comme à présent, eux les Achéens prendraient les armes contre Cléomène ; que si la fortune leur était favorable, ils n’auraient pas besoin d’être secourus ; mais que, si elle leur était contraire, et qu’outre cela les Étoliens vinssent tomber sur eux, il prît garde de ne point laisser échapper l’occasion, et de secourir le Péloponnèse pendant qu’on pouvait le sauver ; qu’au reste il pouvait être sûr de la fidélité et de la reconnaissance des Mégalopolitains ; qu’Aratus trouverait des assurances qui plairaient aux deux partis, et qu’il aurait aussi le soin de lui donner avis du temps où il faudrait venir à son secours. Antigonus trouva les avis d’Aratus fort sages et fort sensés, et suivit dans la suite les affaires avec beaucoup d’attention. Il manda aux