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POLYBE, LIV. II.

la guerre aux Achéens, ce n’était qu’à cause des services qu’ils venaient tout récemment d’en recevoir dans la guerre contre Demetrius, mais que cela ne les empêchait pas d’avoir des intelligences secrètes avec les Lacédémoniens ; qu’ils portaient tellement envie aux Achéens qu’après que Cléomène leur avait enlevé par surprise trois villes alliées et associées à leur gouvernement, savoir, Tégée, Mantinée et Orchomène, non-seulement ils n’en avaient point été fâchés, mais encore ils lui avaient assuré cette conquête ; que, quoique autrefois la passion de s’agrandir leur fît saisir le plus léger prétexte pour faire prendre les armes contre des gens qui ne leur avaient fait aucun tort, ils ne faisaient cependant alors nulle difficulté de violer les traités, et perdaient volontairement des villes fort importantes, uniquement pour mettre Cléomène plus en état de faire du tort aux Achéens : sur ces considérations, lui et les autres magistrats voulurent bien n’entreprendre de guerre contre personne, mais ils résolurent en même temps de s’opposer de toutes leurs forces aux projets des Lacédémoniens. C’est pourquoi, dès que Cléomène, en bâtissant Athénée dans le pays des Mégalopolitains, se fut déclaré ouvertement ennemi de la république, alors les Achéens assemblèrent le conseil, et il y fut résolu que l’on se déclarerait aussi ouvertement contre les Lacédémoniens. Telle fut l’origine de la guerre appelée de Cléomène, et c’est à cette époque qu’elle commença.

Ce fut alors que les Achéens prirent pour la première fois les armes contre les Lacédémoniens. Il leur parut beau de ne devoir la défense de leur ville et de leurs pays qu’à eux‑mêmes, et de n’implorer le secours de personne. Par là aussi ils se conservaient dans l’amitié qu’ils devaient à Ptolémée pour les bienfaits qu’ils en avaient reçus. La guerre faisait déjà des progrès. Déjà Cléomène avait aboli l’ancienne forme du gouvernement ; ce n’était plus un roi légitime, mais un tyran, qui poussait cette guerre avec toute l’habileté et la vigueur possibles. Aratus avait prévu ces révolutions, et, craignant les maux que la méchanceté et l’audace des Étoliens pourraient attirer sur sa république, il crut qu’il devait commencer par rompre leurs projets. Il connaissait Antigonus pour un roi appliqué aux affaires, prudent et d’une fidélité à toute épreuve, porté à faire des alliances et fidèle à les observer ; au lieu que les autres rois, ne croyant pas que la haine et l’amitié viennent de la nature, n’aiment ou ne haïssent qu’autant qu’ils trouvent leur intérêt dans l’une ou l’autre de ces dispositions. Il prit donc le parti de s’aboucher avec Antigonus, de le porter à joindre ensemble leurs forces, et de lui faire voir quelle serait la suite et le succès de cette jonction. Il ne crut pourtant pas qu’il fût à propos de s’ouvrir là‑dessus à tout le monde. Deux raisons l’obligeaient à se tenir sur la réserve ; car il devait s’attendre que Cléomène et les Étoliens s’opposeraient à son dessein ; et de plus il n’aurait pu demander ouvertement du secours aux ennemis, sans abattre le courage des Achéens, qui par là n’auraient pas manqué de sentir qu’Aratus ne comptait pas beaucoup sur leurs forces et sur leur valeur. Ces raisons firent qu’il pensa à exécuter son projet le plus secrètement qu’il lui serait possible ; ce qui fut cause qu’il dit et fit bien des choses au-dehors qui paraissaient contraires à son dessein, et qui cependant ne tendaient qu’à le couvrir ; c’est aussi pour cela qu’on ne trouve pas certains faits dans ses mémoires.