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POLYBE, LIV. II.

Gaulois ; ils y donnèrent tous leurs soins. Après avoir mis des bornes aux conquêtes des Carthaginois par un traité fait avec Asdrubal, et dont nous avons parlé plus haut, ils ne pensèrent plus qu’à finir une bonne fois avec l’ennemi le plus proche.

Huit ans après le partage des terres du Picenum, les Gésates et les autres Gaulois franchirent les Alpes et vinrent camper sur le Pô. Leur armée était nombreuse et superbement équipée. Les Insubriens et les Boïens soutinrent aussi constamment le parti qu’ils avaient pris ; mais les Vénètes et les Cénomans se rangèrent du côté des Romains, gagnés par les ambassadeurs qu’on leur avait envoyés, ce qui obligea les rois gaulois de laisser dans le pays une partie de leur armée pour le garder contre ces peuples. Ils partent ensuite, et prennent leur route par la Tyrrhénie, ayant avec eux cinquante mille hommes de pied, vingt mille chevaux, et autant de chariots. Sur la nouvelle que les Gaulois avaient passé les Alpes, les Romains firent marcher Lucius Émilius, l’un des consuls, à Ariminum, pour arrêter les ennemis par cet endroit. Un des préteurs fut envoyé dans la Tyrrhénie. Caïus Atilius, l’autre consul, était allé devant dans la Sardaigne. Tout ce qui resta de citoyens dans Rome était consterné, et croyait toucher au moment de sa perte. Cette frayeur n’a rien qui doive surprendre ; l’extrémité où les Gaulois les avaient autrefois réduits était encore présente à leurs esprits. Pour éviter un semblable malheur, ils assemblent ce qu’ils avaient de troupes ; font de nouvelles levées ; ils mandent à leurs alliés de se tenir prêts ; ils font venir des provinces de leur domination les registres où étaient marqués les jeunes gens en âge de porter les armes, afin de connaître toutes leurs forces. On donna aux consuls la plus grande partie des troupes, et ce qu’il y avait de meilleur parmi elles. Des vivres et des munitions, on en avait fait un si grand amas, que l’on n’a point d’idée qu’il s’en soit jamais fait un pareil. Il leur venait des secours, et de toutes sortes, et de tous les côtés ; car telle était la terreur que l’irruption des Gaulois avait répandue dans l’Italie, que ce n’était plus pour les Romains que les peuples croyaient porter les armes ; ils ne pensaient plus que c’était à la puissance de cette république que l’on en voulait ; c’était pour eux-mêmes, pour leur patrie, pour leurs villes, qu’ils craignaient ; et c’est pour cela qu’ils étaient si prompts à exécuter tous les ordres qu’on leur donnait.

Faisons le détail des préparatifs de cette guerre et des troupes que les Romains avaient alors : de là on jugera en quel état étaient les affaires de ce peuple, lorsque Annibal osa l’attaquer ; et combien ses forces étaient formidables, lorsque ce général des Carthaginois eut l’audace de lui tenir tête, quoiqu’il l’ait fait assez heureusement pour le jeter dans de très-grands embarras. Quatre légions romaines, chacune de cinq mille deux cents hommes de pied et de trois cents chevaux, partirent avec les consuls ; il y avait encore avec eux, du côté des alliés, trente mille hommes d’infanterie et quatre mille chevaux, tant des Sabins que des Tyrrhéniens, que l’alarme générale avait fait accourir au secours de Rome, et que l’on envoya sur les frontières de la Tyrrhénie avec un préteur pour les commander. Les Umbriens et les Sarsinates vinrent aussi de l’Apennin au nombre de vingt mille, et avec eux autant de Vénètes et de Cénomans, que l’on mit sur les frontières de la Gaule, afin que, se jetant sur les terres des Boïens, ils rap-