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POLYBE, LIV. II.

pour exécuter d’après ses avis tout ce qui lui restait à faire. En même temps Posthumius part de Brindes, et traverse la mer avec son armée de terre, composée de vingt mille hommes de pied et de deux mille chevaux. À peine les deux consuls paraissent ensemble devant Apollonie, que les habitans les reçoivent à bras ouverts, et se rangent sous leurs lois. De là, sur la nouvelle que les Illyriens assiégeaient Épidamne, ils prennent la route de cette ville, et, au bruit qu’ils approchent, les Illyriens lèvent tumultueusement le siége, et prennent la fuite. Les Épidamniens une fois pris sous leur protection, ils pénètrent dans l’Illyrie, et rangent à la raison les Ardyéens. Là se trouvent des députés de plusieurs peuples, entre autres des Partheniens et des Atintaniens qui les reconnaissent pour leurs maîtres. Ensuite ils marchent à Issa, qui était aussi assiégée par les Illyriens, font lever le siége, et reçoivent les Isséens dans leur alliance. Le long de la côte ils emportèrent d’assaut quelques villes d’Illyrie ; entre autres Nytrie, où ils perdirent beaucoup de soldats, quelques tribuns et le questeur. Ils y prirent vingt brigantins qui emportaient du pays un gros butin. Des assiégeans d’Isse, les uns, en considération de Démétrius, furent ménagés, et demeurèrent dans l’île de Pharos ; tous les autres furent dispersés, et se retirèrent à Arbon. Pour Teuta, elle se sauva avec un très-petit nombre des siens à Rizon, petite place propre à la mettre en sûreté, éloignée de la mer, sur la rivière qui porte le même nom que la ville.

Les Romains ayant ainsi augmenté dans l’Illyrie le nombre des sujets de Démétrius, et étendu plus loin sa domination, se retirèrent à Épidamne avec leur flotte et leur armée de terre. Caïus ramena à Rome la plus grande partie des deux armées, et Posthumius, ayant ramassé quarante vaisseaux, et levé une armée sur plusieurs villes des environs, prit là ses quartiers d’hiver pour pouvoir protéger les Ardyéens et les autres peuples qui s’étaient mis sous la sauvegarde des Romains.

Le printemps venu, il vint à Rome des ambassadeurs de la part de Teuta, lesquels, au nom de leur maîtresse, proposèrent ces conditions de paix : « quelle paierait le tribut qui lui avait été imposé ; qu’à l’exception de peu de places, elle céderait toute l’Illyrie et ce qui était de plus d’importance, surtout par rapport aux Grecs, qu’au-delà du Lisse, elle ne pourrait mettre sur mer que deux brigantins sans armes. » Ces conditions acceptées, Posthumius envoya des députés chez les Étoliens et les Achéens qui leur firent connaître pourquoi les Romains avaient entrepris cette guerre et passé dans l’Illyrie. Ils racontèrent ce qui s’y était fait, ils lurent le traité de paix conclu avec les Illyriens, et retournèrent ensuite à Corcyre, très-contens du bon accueil qu’on leur avait fait chez ces deux nations. En effet, ce traité dont ils avaient apporté la nouvelle, délivrait les Grecs d’une grande crainte ; car ce n’était pas seulement contre quelques parties de la Grèce que les Illyriens se déclaraient ; ils étaient ennemis de toute la Grèce. Tel fut le premier passage des armées romaines dans l’Illyrie, et la première alliance qui se fit par ambassades entre les Grecs et le peuple romain. Depuis ce temps-là il y eut encore des ambassadeurs envoyés de Rome à Corinthe et à Athènes, et ce fut alors pour la première fois que les Corinthiens reçurent les Romains dans les combats isthmiques. Revenons