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POLYBE, LIV. I.

thaginois marcher et camper dans la plaine, mais cela ne les empêcha pas de souhaiter d’en venir aux mains. Ils approchent et campent le premier jour à dix stades des ennemis. Le jour suivant, les chefs des Carthaginois tinrent conseil sur ce qu’ils avaient à faire ; mais les soldats impatiens s’attroupaient par bandes, et, criant à haute voix le nom de Xanthippe, demandait qu’on les menât vite au combat. Cette impétuosité jointe à l’empressement de Xanthippe, qui ne recommandait rien tant que de saisir l’occasion, détermine les chefs : ils donnent ordre à l’armée de se tenir prête, et permission à Xanthippe de faire tout ce qu’il jugerait à propos. Revêtu de ce pouvoir, il range les éléphans sur une seule ligne, en avant de la phalange, à une distance plus grande que de coutume ; des troupes à la solde de la république, il place les moins légèrement armées à la droite de la phalange, et les autres sont jetées entre la cavalerie des deux ailes, derrière les escadrons.

À la vue de cette armée rangée en bataille, les Romains marchent en bonne contenance. Les éléphans les épouvantèrent ; mais pour parer au choc auquel ils s’attendaient, on mit toute l’infanterie légère en avant sur un seul front, et derrière on rangea les légions de telle manière que plusieurs manipules se trouvaient à la queue l’un de l’autre. De cette manière, tout le corps de bataille perdit beaucoup dans son front, mais gagna en profondeur. Cette ordonnance était excellente contre les éléphans, mais elle ne défendait pas contre la cavalerie des Carthaginois, qui était bien plus nombreuse que celle des Romains.

Les deux armées ainsi rangées, on n’attendit plus que le temps de charger. Xanthippe ordonne de faire avancer les éléphans et d’enfoncer les rangs des ennemis, et en même temps commande à la cavalerie des deux ailes d’envelopper et de donner. Les Romains alors font, selon la coutume, grand cliquetis de leurs armes, et s’excitant par des cris de guerre, en viennent aux prises. La cavalerie romaine ne tint pas long-temps ; elle était trop inférieure en nombre à celle des Carthaginois. Les colonnes de l’aile gauche, évitant le choc des éléphans et craignant peu les soldats étrangers, attaquent cette droite des Carthaginois, la renversent et la poursuivent jusqu’au camp. De ceux qui étaient opposés aux éléphans, les premiers furent foulés aux pieds et écrasés. Le reste du corps de bataille tint ferme quelque temps à cause de son épaisseur ; mais dès que les derniers rangs eurent été entourés par la cavalerie et contraints de lui faire face, et que ceux qui avaient passé au travers des éléphans eurent rencontré la phalange des Carthaginois qui était encore en entier et en ordre, alors il n’y eut plus de ressource pour les Romains. La plupart furent écrasés sous le poids énorme des éléphans : le reste, sans sortir de son rang, fut criblé des traits de la cavalerie. À peine y en eut-il quelques-uns qui échappèrent par la fuite ; mais comme c’était dans un pays plat qu’ils fuyaient, les éléphans et la cavalerie en tuèrent une partie : cinq cents ou environ qui fuyaient avec Regulus, atteints par les ennemis, furent emmenés prisonniers. Les Carthaginois perdirent en cette occasion huit cents soldats étrangers qui étaient opposés à l’aile gauche des Romains, et de ceux-ci il ne se sauva que les deux mille qui, en poursuivant l’aile droite des ennemis, s’étaient tirés de la mêlée. Tout le reste demeura sur la place, à l’exception de