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POLYBE, LIV. I.

Romains entrèrent au travers de cette machine dans les vaisseaux ennemis, et qu’ils se battirent sur les ponts, ce fut alors comme un combat sur terre. Une partie des Carthaginois fut taillée en pièces, les autres effrayés mirent bas les armes. Ils perdirent dans ce premier choc trente vaisseaux et tout l’armement. La galère capitainesse fut aussi prise, et Annibal au désespoir fut fort heureux de pouvoir se sauver dans une chaloupe. Le reste de la flotte des Carthaginois faisait voile dans le dessein d’attaquer les Romains ; mais lorsqu’ils virent de près la défaite de ceux qui les avaient précédés, ils se tinrent à l’écart et hors de la portée des corbeaux. Cependant, à la faveur de la légèreté de leurs bâtimens, ils avancèrent les uns vers les côtés, les autres vers la poupe des vaisseaux ennemis, comptant se battre par ce moyen sans courir aucun risque ; mais ne pouvant, de quelque côté qu’ils tournassent, éviter cette machine, dont la nouveauté les épouvantait, ils se retirèrent avec perte de cinquante vaisseaux. Une journée si heureuse redouble le courage et l’ardeur des Romains ; ils se jettent dans la Sicile, font lever le siége de devant Égeste, qui était déjà réduite aux dernières extrémités, et prennent d’emblée la ville de Macella.

Après la bataille navale, Amilcar, chef de l’armée de terre des Carthaginois, ayant appris à Palerme, où il campait, que dans l’armée ennemie, les Romains et leurs alliés n’étaient pas d’accord, que l’on y disputait qui des uns ou des autres auraient le premier rang dans les combats, et que les alliés campaient séparément entre Parope et Termine, il tomba sur eux avec toute son armée pendant qu’ils levaient le camp, et en tua près de trois mille. Il prit ensuite la route de Carthage, avec le reste des vaisseaux qui avait échappé au dernier combat, et de là il passa sur d’autres en Sardaigne, avec quelques capitaines de galères des plus expérimentés. Peu de temps après, ayant été enveloppé par les Romains dans je ne sais quel port de Sardaigne (car à peine les Romains eurent-ils commencé à se mettre en mer, qu’ils pensèrent à envahir cette île), et y ayant perdu quantité de vaisseaux, il fut pris par ceux de ses gens qui s’étaient sauvés, et puni d’une mort honteuse.

Dans la Sicile, les Romains ne firent, la campagne suivante, rien de mémorable. Mais A. Atilius Regulus et C. Sulpicius, consuls, s’étant venus mettre à leur tête, ils allèrent à Palerme, où les Carthaginois étaient en quartiers d’hiver. Étant près de la ville, ils rangent leur armée en bataille ; mais les ennemis ne se présentant pas, ils marchent vers Ippana, et la prennent du premier assaut. La ville de Muttistrate, fortifiée par sa propre situation, soutint un long siége ; mais elle fut enfin emportée. Celle des Camariniens, qui peu auparavant avait manqué de fidélité aux Romains, fut aussi prise après un siége en forme, et ses murailles renversées. Ils s’emparèrent encore d’Enna et de plusieurs autres petites villes des Carthaginois. Ensuite ils entreprirent d’assiéger celle des Lipariens.




CHAPITRE V.


Échec réciproque des Romains et des Carthaginois. — Bataille d’Ecnome. — Ordonnance des Romains et des Carthaginois. — Choc et victoire des Romains.


L’année suivante, Regulus aborde à Tyndaride, et y ayant aperçu la flotte des Carthaginois qui passait sans ordre, il part le premier avec dix vaisseaux,