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POLYBE, LIV. I.

le pied dans le combat ou abandonne son poste, ils soutinrent le choc avec vigueur, quoique les ennemis fussent supérieurs en nombre ; il leur périt beaucoup de monde, mais il en périt bien plus du côté des Carthaginois, qui furent enfin enveloppés, lorsqu’ils touchaient presque au retranchement pour l’arracher. Une partie fut passée au fil de l’épée, le reste fut poursuivi avec perte jusque dans la ville. Ce combat rendit les Carthaginois plus réservés dans leurs sorties, et les Romains plus circonspects dans leurs fourrages. Les premiers ne se présentant plus que pour de légères escarmouches, les consuls partagèrent leur armée en deux camps : l’un fut assis devant le temple d’Esculape, l’autre du côté de la ville qui regarde Héraclée. On joignit les deux camps par une bonne ligne de contrevallation pour se défendre contre les sorties, et l’on y ajouta celle de circonvallation contre le secours. Des gardes avancées étaient distribués sur tout le terrain qui restait entre les lignes et le camp, et d’espace en espace on avait pratiqué des fortifications aux endroits qui leur étaient propres. Les alliés amassaient les vivres et les autres munitions, et les apportaient à Erbesse, ville peu éloignée du camp, d’où les Romains les faisaient venir, de sorte qu’ils ne manquaient de rien.

Les choses demeurèrent dans le même état pendant cinq mois ou environ. Rien de décisif de part ni d’autre ; tout se passait en escarmouches. Cependant les Carthaginois souffraient beaucoup de la famine, à cause de la foule d’habitans qui s’étaient retirés dans Agrigente, car il y avait au moins cinquante mille âmes. Annibal (fils de Giscon), qui commandait, envoyait coup sur coup à Carthage, pour avertir de l’extrémité où la ville était réduite, et demander du secours. On chargea sur des vaisseaux de nouvelles troupes et des éléphans, que l’on fit conduire en Sicile, et qui devaient aller joindre Hannon, autre commandant des Carthaginois. Celui-ci assembla toutes ses forces dans Héraclée, pratiqua dans Erbesse de sourdes menées qui lui en ouvrirent les portes, et priva par là les légions des vivres et des autres secours qui leur venaient de cette ville ; alors les Romains, assiégeans tout ensemble et assiégés, se trouvèrent dans une si grande disette de vivres et d’autres munitions, qu’ils mirent souvent en délibération s’ils ne lèveraient pas le siége ; et cela serait arrivé sans le zèle et l’industrie du roi de Syracuse, qui fit passer dans leur camp un peu de tout ce qui leur était nécessaire. Hannon, voyant d’un côté les légions romaines affaiblies par la peste et par la famine, et de l’autre ses troupes en état de combattre, après avoir donné ordre à la cavalerie numide de prendre les devans, de s’approcher du camp des ennemis, d’escarmoucher pour attirer leur cavalerie à un combat, et ensuite de reculer jusqu’à ce qu’il fût arrivé ; Hannon, dis-je, part d’Héraclée avec ses éléphans, qui étaient au nombre de cinquante, et tout le reste de son armée. Les Numides, selon l’ordre qu’ils avaient reçu, s’étant approchés d’un des camps romains, la cavalerie romaine ne manqua pas de sortir pour l’escarmouche. Ceux-ci battent en retraite comme il leur avait été ordonné, jusqu’à leur jonction avec le corps des troupes que Hannon avait posté pour les soutenir. Alors ils font volte-face, environnent les cavaliers romains, en jettent un grand nombre par terre, et mettent le reste en fuite. Après cet exploit, Han-