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Un système nouveau, sous le titre imposant de religion, était substitué à l’ancien système qui avait mis en honneur la fécondité des femmes et le dévouement à la patrie. Au lieu de ces vertus actives, on prêchait la fainéantise, la chasteté, le renoncement au monde et à soi-même, le mépris des richesses, l’obligation de faire son salut ; vertus passives, inutiles à l’état, destructives de toute population, nuisibles aux familles, et qui, mises en pratique, isolent l’homme, le rendent dur envers les autres, insouciant pour lui-même, indifférent sur le sort de son pays, et l’excitent à se préférer lui tout seul en ne s’occupant que du soin de sauver son âme. Plus on se pénétrait de cette morale monastique, moins on était propre à exercer des fonctions militaires ou à suivre les devoirs de la magistrature.

Un clergé trop nombreux engageant par son exemple à fuir le mariage, la population diminuait. Les mœurs devenaient plus irrégulières. « Les vierges chrétiennes, ces vierges consacrées à l’Église, s’écrie saint Jérôme, se servent de breuvages empoisonnés pour se faire avorter, et elles en meurent quelquefois. Se rendant ainsi coupables de trois différens crimes, elles descendent aux enfers, homicides d’elles-mêmes, adultères de Jésus-Christ, et parricides de leurs enfans. » Tel était le résultat de ces principes qui contredisent la voix de la nature.

Végèce, qui écrivait dans ce siècle, fait aux soldats un reproche non moins étonnant pour ses lecteurs. Il nous apprend que l’infanterie romaine, qui depuis la fondation de la république combattait à couvert sous une armure défensive, avait cessé de la porter sous le règne de Gratien. Les casques, les cuirasses, que la fréquence des exercices rendit si légers aux anciens, étaient devenus des masses insupportables.

Les soldats aimaient mieux marcher sans défense contre les traits des Barbares qui, commençant à s’éclairer, adoptaient les armures abandonnées par les Romains. La cavalerie des Goths, des Huns, des Alains, revêtue de cuirasses, de casques, de boucliers, était invulnérable, et prenait contre les Romains l’avantage que ce peuple avait eu si long-temps sur les autres nations.

On ne reconnaît plus cette agglomération de six mille hommes que Végèce appelle légion. Les cohortes sont bien disposées sur deux lignes, conservant l’échiquier comme les anciens manipules ; mais chaque rang de ces lignes montre un ordre de soldats différent.

D’abord on voit les princes, armés à peu près comme ceux que l’on nommait autrefois ainsi. Le second rang se compose d’archers portant la cuirasse, les javelots et la lance. Derrière eux sont deux autres rangs de soldats légers, destinés à se répandre en avant du front et sur les flancs.

Lorsqu’on se représente la confusion apportée dans cette ordonnance par ces espèces de vélites qui devaient plusieurs fois quitter leur place et la reprendre pendant la bataille, on est porté à croire que ces rangs si diversement armés faisaient en effet des lignes différentes, comme nous l’avons exprimé plus haut.

Mais ce qui distingue surtout cette formation bizarre de l’ancienne milice, ce sont ces machines de guerre entre lesquelles Végèce intercalle des frondeurs et des arbalétriers. Enfin, viennent les triaires, sur lesquels on compte pour la réserve.

La cohorte milliaire, composée de des soldats choisis, était à la droite de la