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n’étaient attachés qu’au souverain dont ils recevaient leur solde.

Une loi de Caracalla avait ouvert l’entrée aux Barbares dans les troupes auxiliaires des armées romaines : quelques empereurs, en effet, en prirent à leur solde ; mais Constantin est le premier qui en ait entretenu constamment sous ses drapeaux. Il retint à son service un corps de quarante mille Goths, et depuis les empereurs eurent toujours dans leurs armées des troupes étrangères.

Les légions avaient campé de tous temps dans le voisinage des frontières sous des tentes, en pleine campagne, et entourées d’un rempart. Constantin changea ce régime ; il mit les légions en garnison dans les villes. Zosime dit que les frontières ainsi dégarnies en furent plus aisément infestées par les Barbares, et que les soldats vexèrent si cruellement les citoyens, que les villes en devinrent désertes.

C’est ainsi que le génie de Constantin, novateur en toute chose, séparant la puissance civile de la puissance militaire, et opposant des troupes étrangères aux troupes nationales, croyait affermir l’autorité des empereurs et assurer leur vie.

Si l’on ajoute à ces moyens, dont la force émanait de lui, l’autorité que le premier il accorda aux évêques, on sentira combien tous ces pouvoirs secondaires qui se balançaient semèrent de jalousie et d’inimitié entre les premiers officiers de l’empire.

La politique de Constantin se flattait sans doute qu’en répandant ainsi des semences de discorde parmi les grands officiers, il les empêcherait de lui nuire ; qu’il préviendrait les révoltes, et qu’aucun d’entre eux ne deviendrait assez puissant pour être dangereux. Il abolit les prétoriens qui se montrèrent attachés à Maxence son concurrent, et ce corps, toujours prêt à exciter des séditions, se vit réduit au pied des autres troupes.

Lorsqu’après Constantin l’empire fut divisé en deux états différens, chacun de ses fils eut ses généraux de la cavalerie et de l’infanterie ; trente-cinq commissaires défendirent les provinces sous leurs ordres. Il y en avait trois dans les Espagnes, trois dans l’île de Bretagne, et six dans les Gaules.

Quelques-uns de ces commissaires portaient les titres de comtes, comes, compagnons ; les autres, celui de duc, dux, chef, conducteur. Ce fut sous Constantin que ces noms devinrent des titres. Un baudrier d’or était la marque qui caractérisait le grade de ces officiers.

Cependant, la discipline militaire commençait à se relâcher ; quelquefois même les garnisons des bords du Rhin et du Danube se joignirent aux Barbares pour piller les terres de l’empire.

Constantin, seul maître, et parvenu par des moyens assez semblables à ceux qu’avait employés Auguste, n’imita pas sa modestie, son affabilité, sa douceur et sa simplicité. Il s’entoura, au contraire, de la pompe la plus splendide, multiplia les impôts pour subvenir à ses dépenses excessives ; et, ce qui est plus criminel encore, livra le premier les peuples à la rapacité des courtisans.

Le luxe de Dioclétien avait été majestueux, et lui attira le respect des peuples ; celui de Constantin eut quelque chose d’efféminé qui le dégradait au milieu de tout son éclat. Dioclétien était supérieur à son faste ; on sentait qu’il le dédaignait, bien qu’il s’en servît comme d’un instrument utile à sa grandeur. Son génie était étendu, son gouvernement ferme, sa conduit égale