Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/312

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 304 —

cavalerie, de la renforcer enfin en toute sécurité.

La bataille de Pharsale devint décisive pour la fortune de César. Elle le fut, parce que ce grand homme avait tout arrangé et tout prévu avant d’arriver à cette péripétie. Il fallait qu’il frappât un coup de vigueur ; mais il ne devait le faire qu’avec la certitude du succès. D’abord il veut connaître l’esprit de ses troupes ; il les consulte, leur dit que Cornificius doit lui amener deux légions ; qu’il vient d’autre part quinze cohortes ; il demande à ses soldats s’ils préfèrent les attendre, ou avoir seuls l’honneur de la victoire. Tous lui crient de ne point différer et d’imaginer quelque ruse pour attirer l’ennemi au combat. Avec des troupes qui mettent une pareille confiance dans leur général et en elles-mêmes, César devait chercher la bataille ; il le fit, la gagna, et fut maître du monde. C’est dans ce cas qu’une bataille est le comble de l’art.

Nous avons présenté avec conscience, sinon avec talent, les faits d’armes les plus curieux de l’histoire militaire chez les Romains. Nous croyons n’avoir fait aucune omission qui porte sur la science proprement dite ; nous terminerons donc ici ce travail si intéressant. Ce qui resterait à examiner des guerres de César nous apprendrait peu de chose sous le rapport de l’art, et chacun pourra suivre les événemens dans ses Commentaires ; car nous avons mis nos lecteurs à même de les mieux comprendre que nos plus forts traducteurs de l’Université. À Dieu ne plaise qu’un seul d’entre ces hommes si laborieux et si estimables trouvent dans nos paroles le moindre sentiment d’amertume ; mais Salluste et César, qu’ils sont forcés d’expliquer tous les jours, parlent un langage dont les élémens ne s’enseignent point dans les colléges : il n’est donc pas étonnant qu’on les ait quelquefois accusés d’obscurité.

Revenant sur la suite des campagnes de César, ce que nous en disons doit s’appliquer à la guerre d’Alexandrie, et surtout à celle de Pont, et l’on sait que les succès de ce grand capitaine y furent si vifs, qu’il peignit au sénat dans trois mots, veni, vidi, vici, la rapidité de sa victoire. On ne peut disconvenir toutefois qu’il ne lui restât encore de grands obstacles à vaincre en Afrique, où le parti de Pompée, à la tête duquel se trouvaient Afranius, Scipion et Labienus, devint assez puissant pour lui susciter une guerre des plus difficiles. Celle qu’il soutint ensuite en Espagne contre les enfans de Pompée, pour être moins savante, ne lui offrit pas moins de danger.

On ne lit point l’histoire de ces guerres, sans s’étonner que Labienus ait pu abandonner César ; Labienus, celui de tous ses lieutenans qui occupa le plus de part dans sa confiance, le compagnon de ses travaux, l’instrument actif de ses victoires. César ne dit rien de cette défection singulière ; nulle part il ne se plaint de Labienus, et, s’il en parle, c’est avec la tranquillité d’un historien indifférent.

Hirtius nous apprend que Pompée sollicita vivement Labienus de se joindre à lui ; mais on doit croire qu’il connaissait déjà ses dispositions secrètes. Dion s’explique d’ailleurs d’une manière beaucoup plus claire sur ce sujet : Labienus, dit-il, enflé de la gloire qu’il s’était acquise et des grandes richesses qu’il avait amassées, voulut s’égaler à son général ; ses manières hautes donnèrent de l’ombrage à César, qui ne lui montra plus la même amitié ; Labienus ne put supporter ce changement et l’abandonna.

Ainsi, ce ne fut point son amour pour