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Genusus. Les cavaliers de César, placés dans les rangs de son infanterie, se trouvèrent prêts à recevoir ceux de Pompée, qui, sans causer aucun désordre, furent spectateurs du passage du fleuve.

Après une marche ordinaire. César prit possession des lignes d’Asparagium, qu’il avait occupées auparavant ; mais il n’avait pas l’intention de garder ce poste. Il fit sortir sa cavalerie par la porte prétorienne, placée en face de l’ennemi ; cette troupe s’éloigna comme si elle voulait fourrager, fit le tour du camp, et rentra par la porte décumane.

Trompé par ces apparences, Pompée en conclut que César fermait sa marche et bornait là l’emploi du jour. À son exemple, il dressa ses tentes dans les lignes où il s’était lui-même renfermé autrefois, et laissa courir ses soldats au bois et au fourrage ; il permit à un grand nombre de retourner à Dyrrachium chercher leur bagage qu’ils y avaient laissé, dans la précipitation avec laquelle on avait décampé le matin.

César, qui n’attendait que le moment où cette halte aurait produit son effet, remit ses troupes en marche vers le midi, et leur fit faire encore huit milles ce même jour, sans prendre haleine ; tandis que celles de Pompée, établies dans leur camp, n’étaient pas en état de suivre son pas. César garda le même ordre pendant quelques jours, se faisant précéder de quelques heures par ses bagages. Pompée, qui avait inutilement fatigué ses troupes en essayant de regagner le terrain perdu dans la première marche, se vit forcé d’y renoncer.

César s’occupa du logement des blessés et des malades dans Apollonie, du paiement de ce qui était échu pour la dépense de son armée, et des mesures qu’il avait à prendre pour la sûreté des places dont il était le maître sur la côte. Une de ses cohortes se trouvait déjà dans Lyssus ; il en laissa trois à Oricum, quatre à Apollonie, et continua sa route de là vers le midi.

Son dessein était de pénétrer promptement en Thessalie, et d’occuper, pour la subsistance de ses troupes, autant de pays qu’il pourrait le faire dans cette fertile contrée ; il jugeait très-bien que, si Pompée se laissait entraîner à sa poursuite loin de ses magasins et des ressources que lui fournissait la mer, le sort de leurs armes se remettrait en équilibre.

Pompée ne pouvait non plus tenter de reprendre Oricum et les autres villes maritimes, sans exposer Scipion à être attaqué séparément à la tête du corps qu’il commandait dans la partie orientale de la Macédoine. Que si Pompée passait en Italie pendant que tous les esprits restaient encore frappés du succès éclatant qu’il venait d’obtenir, César était résolu à le suivre le long des côtes de la Dalmatie.

Il semble que le meilleur parti que Pompée eût à prendre, était de porter la guerre en Italie, et d’opposer ainsi de nouvelles difficultés à son rival. L’avantage de rentrer dans Rome en vainqueur ne laissait aucun doute sur l’issue d’une pareille lutte. Cette question fut agitée dans le conseil.

Cependant on craignit d’abandonner le théâtre actuel de la guerre, pays plein de ressources, capable de ranimer promptement les forces de César, qui se servirait ainsi de la partie occidentale de l’empire pour s’affermir dans la partie orientale. Elle avait suffi à Sylla pour se rendre maître de l’Italie et de Rome ; Pompée lui-même était sur le point d’en fournir un exemple plus récent.

Une considération l’emporta sur