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de César sur les côtes de l’Épire, se prolongeait depuis plusieurs années. Les deux partis avaient essuyé de grandes fatigues. L’armée de César, manquant de pain, était forcée de substituer à cet aliment une espèce de racine bouillie, toutefois l’espérance d’une riche moisson qui mûrissait à sa vue dans les champs d’alentour, la consolait de ses privations. Non-seulement elle poussa les lignes avec beaucoup d’activité, mais elle s’attacha encore à détourner le cours de toutes les sources, de tous les ruisseaux qui arrosaient le terrain couvert par le camp ennemi.

Les soldats de Pompée trouvaient un grand avantage dans l’abondance du blé qui leur arrivait des différentes côtes dont ils étaient les maîtres ; cependant ils souffraient de la disette d’eau et des fourrages ; ils perdirent beaucoup de chevaux, et les hommes furent exposés à de terrible maladies, en demeurant emprisonnés sur le même sol.

Pompée semblait l’emporter sur son ennemi par la supériorité du nombre et l’étendue des lignes qu’il mettait César dans la nécessité de former ou de défendre ; avantage dont il profita de manière à justifier la haute idée qu’on avait de ses talens militaires. Sans hasarder une action générale, il repoussa souvent César loin des hauteur qu’il tentait d’occuper, le fatigua sans cesse, et lui donna même de vives alarmes en attaquant ses ouvrages terminés.

On reconnaît par la lecture des Commentaires que, dans le cours de ces opérations, les deux armées changèrent plusieurs fois l’emplacement de leurs campemens principaux et le local de quelques postes séparés. César compte jusqu’à six combats remarquables livrés dans un seul jour sur les lignes de contrevallation de la plaine ou sous les murs de Dyrrachium ; et il est vraisemblable que ces événemens furent le plus souvent favorables à Pompée, qui n’avait que la corde à défendre, pendant que son adversaire étendait ses mouvemens sur l’arc entier.

L’enceinte de Pompée était soutenue par vingt-quatre forts, dans une étendue de quinze mille pas romains ; celle de César, qui l’enfermait, en avait vingt-deux mille (environ six lieues), et au moins autant de forts que Pompée. Les deux grands camps étaient en face l’un de l’autre. On en comptait encore deux, chacun d’une légion, et plusieurs petits de quelques cohortes, distribués sur la circonférence, pour être à portée de se soutenir partout.

Les travaux aboutissaient au rivage, circonstance qui seule devait détourner César de son projet, puisqu’il n’avait pas un vaisseau, pas une barque pour opposer aux forces maritimes de son adversaire ; mais, uniquement attentif à chercher l’occasion d’une bataille, l’espérance de la trouver, même avec ces désavantages, lui suffisait.

Tandis que le soin d’écarter Pompée de ses magasins le retenait avec la plus grande partie de ses forces sur le point le plus près de Dyrrachium, il s’occupait à fortifier l’extrémité opposée, pour ne pas être surpris sur ses derrières. Il joignait aussi ses retranchemens par le travers ou sur le flanc, afin d’être en sûreté du côté de la mer.

Les travaux n’étaient pas terminés, que Pompée prit des mesures vigoureuses pour forcer César de ce côté-là ; il fit embarquer pendant la nuit un corps de troupe considérable, et commença l’attaque. Elle produisit tous les effets d’une véritable surprise. Les gens de Pompée tombèrent avec le plus grand succès sur la 9e légion, qui appuyait la droite de César. Sans l’arrivée