Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/300

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 292 —

saires restèrent là dans une sorte d’inaction.

Cependant plusieurs mois s’étaient écoulés sans que César eût reçu son second embarquement. Marc-Antoine, qui le commandait, hésitait avec raison de se mettre en mer sans une flotte qui pût le protéger ; il retardait toujours, jusqu’à ce qu’enfin, déterminé par l’ordre exprès de César, il quitta le rivage. Le vent l’ayant forcé de s’approcher de Dyrrachium, il fut aperçu par la flotte de Pompée, qui sortit du port pour lui donner la chasse ; mais bientôt le vent changea, et les galères sorties de Dyrrachium vinrent se briser sur la côte, tandis que les vaisseaux d’Antoine y trouvèrent leur salut.

Le débarquement effectué, Antoine dépêcha vers César pour lui annoncer l’arrivée de quatre légions et de huit cents hommes de cavalerie. Pompée, qui reçut cet avis presque en même temps, craignit d’être enfermé entre deux armées. César ayant décampé pour faire sa jonction avec son lieutenant, Pompée se mit en mouvement afin de le prévenir.

Il avait l’avantage d’un chemin plus court, et devait empêcher cette jonction, sans la trahison de quelques gens de son armée qui avertirent Antoine que l’ennemi, bien posté, l’attendait au passage. Pompée, voyant son opération manquée, se retira vers Asparagium, place forte éloignée de Dyrrachium d’un jour de marche environ.

Avec un renfort aussi considérable, César ne fut plus inquiet sur les moyens de conserver ses possessions le long de la mer. Comme les flottes nombreuses de ses ennemis lui ôtaient l’avantage de recevoir par eau des approvisionnemens réguliers, il s’occupa d’étendre ses quartiers dans les terres, et de couvrir une assez grande étendue de pays pour en tirer ses subsistances. Dans cette vue, il retira d’Oricum la légion qui s’y trouvait cantonnée, et prit ses précautions pour mettre sa marine à couvert de toute surprise du côté de la mer.

Cependant Pompée occupait toujours un terrain bien précieux pour lui, n’étant éloigné que d’un jour de marche du port de Dyrrachium, où il avait établi ses magasins et ses arsenaux. Déterminé à traîner la guerre en longueur, et plein de confiance dans les avantages que lui donnaient tant de ressources de mer et de terre, il voulait attendre que César eût épuisé le pays, et se flattait de réduire son ennemi sans risquer une affaire générale.

De son côté, César, qui jugeait bien sa situation, s’avança sur Pompée, emporta une place assez forte qui le couvrait de front, et vint camper en sa présence. Le lendemain, il rangea son armée dans la plaine qui séparait les deux camps, soit pour engager une action générale, soit pour se faire gloire de braver son ennemi.

Mais Pompée parut insensible à cette insulte ; César, d’ailleurs moins assuré de jour en jour d’approvisionnemens et de renforts, projeta un mouvement qui devait forcer son adversaire à combattre ou à perdre toutes les ressources qu’il avait dans la ville et dans le port de Dyrrachium.

Il s’agissait de faire un grand détour, et de dérober son dessein à la vigilance de Pompée. César décampa de jour, et dirigea sa marche en s’éloignant de Dyrrachium, de manière à faire croire qu’il se retirait parce qu’il manquait de vivres ; mais il changea de direction pendant la nuit, et revint à grands pas vers la ville.

Averti de ce changement, Pompée n’eut pas de peine à reconnaître l’in-