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votre maison de campagne dès la porte Esquiline. »

L’exemption la plus honorable était celle que l’on recevait comme récompense, exemption rare, dont l’histoire conserve peu d’exemples.

Les Romains accordèrent une dispense de cinq ans de service aux soldats de Præneste, pour avoir défendu Casilin contre Annibal. P. Æbutius ayant révélé dans sa jeunesse une conjuration importante, le peuple ordonna qu’il serait censé avoir rempli ses années de service. P. Vatiénus, qui était arrivé de Réate à Rome, au milieu de la nuit, dit au Sénat que deux jeunes cavaliers, montés sur des chevaux blancs, lui avaient annoncé, pendant sa route, la défaite et la prise de Persée. On le mit d’abord en prison, pour avoir osé se jouer de la majesté du sénat. Cependant, peu de jours après, cette nouvelle ayant été confirmée par les lettres du consul, Vatiénus reçut pour récompense l’exemption de service.

Pendant les premiers siècles de Rome, il est difficile de trouver un citoyen non exempt qui n’ait pas porté les armes ; mais quand leur nombre eut augmenté, et que la sixième classe fut admise dans la légion, les soldats qui s’offraient volontairement se trouvèrent plus que suffisans pour les expéditions ordinaires. Ainsi il y en eût sans doute qui ne portèrent jamais les armes, ou qui ne remplirent pas les années du service ; mais ils pouvaient tous y être contraints, et, dans certains cas, lorsque la république le jugeait nécessaire, le sénat suspendait les exemptions.

Jusqu’au dernier consulat de Marius, l’an 646, Rome n’avait employé pour soldats que les citoyens des cinq premières classes. Marius, aussi ambitieux que grand capitaine, ennemi de la noblesse qui le méprisait, introduisit dans la milice la dernière classe du peuple à laquelle il devait son élévation, et qu’il crut propre à seconder ses vues. Les légions conservèrent leur réputation longtemps encore ; mais ce fut une première atteinte portée aux lois sages de la république, qui regardait la fortune du citoyen comme un gage de sa fidélité et de son attachement.

Dans les premiers temps, lorsque le théâtre de la guerre n’était qu’à peu de distance de Rome, on licenciait les troupes à la fin de la campagne, et l’année suivante on en levait d’autres ; de sorte que chaque année voyait de nouvelles légions. Bientôt les conquêtes s’éloignèrent du centre, les guerres devinrent plus longues et plus importantes ; il fallut garder des places, couvrir des provinces, conserver en un mot les avantages de la campagne précédente, et tenir l’ennemi en échec. Alors les mêmes légions, au lieu de revenir passer l’hiver à Rome, servirent tant que dura la guerre ; on réparait les pertes par de nouvelles recrues ; et telle fut la constitution des troupes jusqu’au temps où Auguste, après la bataille d’Actium, se vit seul possesseur de l’empire.

Vous savez qu’à cette époque, suivant la politique de Mécène, le prince établit une milice permanente.

« Il me semble à propos, dit-il à Auguste, d’entretenir dans chaque province, selon le besoin des affaires, tantôt plus, tantôt moins de troupes composées de citoyens, de sujets et d’alliés, et que ces troupes ne quittent point les armes. Il faut que les soldats soient attachés par état au métier de la guerre ; qu’ils établissent leurs quartiers d’hiver dans les lieux les plus commodes, et que le terme de leur service soit marqué à un âge qui leur laisse encore quelque temps en-deçà de la vieillesse. Éloignés comme