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qu’elle y reçoit Domitius Énobarbus, que le sénat et Pompée avaient nommé gouverneur de la Gaule, et qui prétendait succéder à César.

Trebonius, avec trois légions, met le siége devant cette ville, et le même D. Brutus qui avait détruit les flottes de l’Armorique vient bloquer son port. César mande auprès de lui les chefs de la Gaule, lève des troupes dans l’Aquitaine, les conduit en Espagne ; mais, voulant s’assurer de la foi de ses légions pendant la guerre civile, il emprunte de l’argent des tribuns et des centurions, et le distribue en présent aux simples soldats.

Ainsi, dit-il, l’argent prêté devenait un gage pour répondre de la fidélité des chefs, tandis que les largesses étaient un appât qui attachait le cœur du soldat. Peu de généraux ont usé d’une politique plus profonde et plus sûre.

L’Espagne fut plutôt conquise que l’on ne prit Marseille. Cette ville, bâtie sur la Méditerranée, qui environnait trois parties de son enceinte, ne devenait accessible que par un seul côté, et l’art y déployait toutes ses ressources pour ajouter à la fortification naturelle.

Ses murs étaient construits à grands frais et munis avec cette surabondance d’une ville commerçante, riche et libre. Son port, excellent d’ailleurs, se trouvait défendu par une flotte nombreuse qui s’augmenta lors du péril. Ces forces maritimes pouvaient tenir tête à celles dont César disposait dans ces parages, et Brutus, qui voulait inquiéter et presser la ville, n’y fit que d’inutiles efforts.

Trebonius projeta deux attaques, l’une contre le mur qui aboutissait au port, et l’autre vers le côté méridional, le long du grand chemin à la grève. La principale attaque, dirigée par Trebonius en personne, devait se faire au moyen d’une terrasse de quatre-vingts pieds de hauteur[1].

Au siége de Bourges, on vit une jetée de cette espèce qui avait trois cents pieds de largeur. Il est probable que celle de Massilie ne présentait pas un front moindre. Cet ouvrage immense fut poussé selon les règles de l’art, et avec toute la diligence possible. On mit en œuvre des mantelets et des galeries pour couvrir les travailleurs.

Mais on avait affaire à un ennemi qui depuis long-temps s’occupait de sa défense. Les arsenaux étaient fournis de toutes sortes d’armes et de machines de siége. Plusieurs catapultes tiraient avec la plus grande roideur des poutrelles longues de douze pieds, grosses à proportion, et ferrées comme des pilotis.

Quelque précaution que l’on eût prise pour les galeries en les couvrant de quatre rangs de fascines couchées l’une sur l’autre, ces énormes traits les perçaient toutes, et allaient encore s’enfoncer fort avant dans la terre. Trebonius fut obligé d’ajouter de grosses poutres d’un pied d’épaisseur, afin de garantir les travailleurs qui appointaient les matériaux nécessaires pour la construction de la terrasse.

Il mit encore à la tête de l’ouvrage une tortue solide, sorte de galerie longue de soixante pieds, composée de grosses poutres, couverte et armée de tout ce qui pouvait résister au feu et aux pierres. Trebonius l’employa pour préparer et niveler le terrain que la jetée devait couvrir.

Malgré ces mesures extraordinaires, l’ouvrage n’avança pas beaucoup. Il semblait impraticable d’atteindre la

  1. Voyez l’Atlas.