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esclaves. Pline, l’ancien, compte parmi les adversités d’Auguste, la nécessité où ce prince se trouva d’en enrôler, quand il envoya Germanicus en Dalmatie, pour y terminer la guerre qu’il soupçonnait Tibère de traîner en longueur. Néron, apprenant la révolte de Galba, et cherchant en vain des soldats entre les citoyens, exigea d’eux un certain nombre d’esclaves ; mais il n’en paya point le prix, comme l’avait fait Auguste. Marc-Aurèle et Honorius eurent besoin de la même ressource ; le premier, afin de combattre les Marcomans, dans un temps où la peste venait d’enlever une partie de la jeunesse ; l’autre, pour s’opposer à Radagaise qui descendait en Italie à la tête de deux cent mille hommes.

Hors ces occasions singulières, qui ne forment que des exceptions à la règle générale, c’était dans le soldat une qualité essentielle d’être de condition libre. On excluait aussi du service les affranchis ; on n’en voit enrôler aucun dans les alarmes de la seconde guerre punique. Ce fut seulement pendant la guerre sociale, que s’établit la coutume d’admettre des affranchis parmi les légionnaires. Dans cette première occasion, on en forma douze cohortes qui se distinguèrent.

Des peuples entiers furent exclus du service militaire en punition de leur perfidie. Après la journée de Cannes, les Brutiens se déclarèrent pour Annibal, et donnèrent aux autres provinces le signal de la révolte ; les Lucaniens et les Picentins, qui habitaient la côte de la mer entre la Campanie et la Lucanie, imitèrent leur exemple. Lorsque les Carthaginois eurent été contraints à sortir d’Italie, les Romains déclarèrent tous ces peuples indignes du service militaire.

À côté des causes qui entraînaient la défense du service, les Romains avaient placé celles qui en procuraient la dispense. La première et la plus générale venait de l’âge. Au-dessous de dix-sept ans et au-dessus de quarante-six, on ne pouvait être forcé à prendre les armes, sinon dans les occasions où la république demandait un secours extraordinaire. La vétérance avait droit à la même exemption. Les magistrats actuellement en charge étaient rayés du contrôle légionnaire. Les sénateurs et ceux qui avaient géré des magistratures qui donnaient entrée dans le sénat, n’étaient point forcés non plus au service de simple soldat ; mais ils pouvaient s’enrôler volontairement. Tite-Live rapporte qu’il en périt quatre-vingts dans la bataille de Cannes.

Les prêtres et les augures obtenaient la dispense du service, excepté lorsque les Gaulois marchaient subitement vers Rome. Ces alarmes soudaines, nous l’avons dit, répandaient tant de terreur, que les Romains avaient dans leur trésors une somme d’argent en réserve qu’ils s’étaient engagés, par un serment public, à ne point toucher pour tout autre usage. Ce fut ce trésor que Jules César força au commencement de la guerre civile, malgré la résistance du tribun Métellus.

Parmi les maladies du corps ou de l’esprit, regardées comme susceptibles de procurer une dispense du service, on comprenait la faiblesse des yeux. Métellus, qui avait fait construire, à quelque distance de Rome, une maison de campagne si vaste et si élevée, qu’elle choquait les citoyens, s’occupait du classement des nouveaux soldats. L’un d’eux s’excusant sur la faiblesse de sa vue. « Vous ne distinguez donc rien, lui dit Métellus, qui semblait mal disposé à son égard ? — Pardonnez-moi, répartit le malade, j’aperçois

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