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qu’ils différaient des autres nations. Voici le précepte de Végèce pour les recrues : « Le nouveau soldat, dit-il, doit avoir les yeux vifs, la tête élevée, la poitrine large, les épaules fournies, la main forte, les bras longs, le ventre petit, la taille dégagée, la jambe et le pied moins charnus que nerveux. Quand on trouve tout cela dans un homme, ajoute-t-il, on peut se relâcher sur la taille, parce que, encore une fois, il est plus nécessaire que les soldats soient robustes que grands. »

La haute taille du soldat romain était de cinq pieds dix pouces (cinq pieds trois pouces six lignes) ; la taille moyenne, de cinq pieds sept pouces (cinq pieds dix lignes) ; néanmoins on enrôlait au-dessous de cette taille, même pour les cohortes prétoriennes, qui étaient les troupes de la garde de l’empereur.

Nous avons dit que, pour entrer dans le service légionnaire, il ne suffisait pas d’être né citoyen, mais qu’il fallait avoir quelque fortune. Tous les auteurs conviennent que des six classes qui faisaient le partage du peuple romain, selon la richesse, la dernière, renfermant les plus pauvres, fut dispensée du service jusqu’à Marius. La difficulté consiste à fixer la somme précise au-dessous de laquelle on était rejeté dans cette dernière classe.

La première classe contenait ceux qui possédaient au moins cent mille as ; la seconde devait en avoir soixante-quinze mille ; la troisième cinquante mille ; la quatrième vingt-cinq mille ; la cinquième douze mille cinq cents ; et ceux dont le bien était au-dessous, formèrent la dernière classe.

Mais, dans un État qui croît à-la-fois en opulence et en population, il s’en faut bien que la richesse suive la même proportion pour chaque particulier. Si donc la sixième classe eût continué d’être toute entière exempte de la milice, on aurait vu bientôt plus de la moitié des citoyens hors de la profession des armes. Cependant les armées devenaient nécessairement plus nombreuses. On levait deux légions dans les premiers temps de la république ; lors de la seconde guerre punique et dans les siècles postérieurs, souvent vingt légions ne suffisaient pas. Il est donc vraisemblable que les Romains, pour ne pas laisser tant de citoyens inutiles, restreignirent la dispense du service à ceux qui ne possédaient pas six mille as, ou environ dix mille francs. C’est le réglement qui subsistait vers la fin du sixième siècle de Rome.

Malgré le mépris qu’on eut toujours pour les esclaves, il arriva cependant que la nécessité ou le désordre des guerres civiles, en fit quelquefois admettre dans la légion. La grande défaite de Cannes ayant détruit une partie de la jeunesse, la république acheta huit mille esclaves des plus vigoureux. Leurs maîtres n’en voulurent recevoir le prix qu’à la fin de la guerre. On demanda à chacun de ces esclaves s’il voulait servir l’État ; et, sur sa réponse, on lui mit les armes entre les mains. On acheta aussi deux cent soixante-dix bergers de l’Apulie, pour recruter la cavalerie. Rome ne voulut pas recevoir les citoyens qui étaient prisonniers dans le camp d’Annibal, et qu’elle aurait pu échanger à moindre prix. Cette nouvelle troupe rendit à l’État des services signalés, et mérita la liberté deux ans après, par une éclatante victoire.

Quoique ce premier exemple eût si bien réussi, il ne fut point imité jusqu’au temps de Marius. César et Pompée, dans la guerre civile, firent usage des