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Titurius, troublé, crut qu’il obtiendrait une capitulation honorable d’Ambiorix, et lui envoya proposer de cesser le carnage ; il fut même assez téméraire pour se rendre sans précautions avec quelques tribuns et des centurions auprès de ce Barbare, qui accepta une conférence, et ordonna de massacrer les chefs romains.

Aussitôt, jetant des cris de victoire, les Gaulois se précipitent sur les cohortes et les mettent en désordre. Cotta périt les armes à la main avec la plus grande partie de ses soldats ; d’autres, ayant pu retourner au camp que l’on ne devait pas quitter, s’y maintinrent quelque temps, et préférèrent se tuer que de se rendre. Un petit nombre survécut à cette défaite, et se rendit, à travers mille périls, auprès de Labienus.

On a dit qu’il n’est pas toujours aisé d’expliquer la différence qu’il y a d’un homme à lui-même, suivant les circonstances où il se trouve. Titurius Sabinus en offre un exemple frappant. Comment reconnaître dans ce chef faible et crédule, toujours enclin à prendre le parti le plus mauvais, le lieutenant de César, qui, l’année précédente, avait montré tant de force d’âme et d’intelligence ? Qu’on relise la conduite de Titurius contre Viridovix.

Après cette victoire, Ambiorix part avec sa cavalerie pour se rendre chez les Aduatikes voisins de ses états, et marche jour et nuit, ayant ordonné à son infanterie de le suivre. Il annonce ses succès, et fait soulever tous les peuples qui habitaient aux bords de la Meuse et de l’Escaut.

Ambiorix arriva si subitement près des quartiers de Quintus Cicero, qu’il put intercepter les fourrageurs, et que le général romain eut à peine le temps de border les retranchemens avec ses troupes.

Après plusieurs tentatives inutiles, Ambiorix voulut recourir à l’artifice qu’il avait si heureusement employé contre Titurius. Mais Cicéron ne se montra pas aussi crédule ; et bien qu’il ignorât la défaite de son collègue, il résolut de demeurer dans son camp, et d’instruire César le plus tôt possible du danger où il se trouvait.

En attendant l’effet de ses divers messages, il s’occupa surtout de perfectionner ses lignes. En une seule nuit cent vingt tours furent construites, au moyen du bois dont on avait fait provision pour les retranchemens. On prépara encore dans ce peu de temps des armes de longueur, et des palissades ; on assembla des claies et des mantelets pour le parapet ; enfin on éleva les tours en y ajoutant des étages.

Les Gaulois, voyant un siége à former, et n’ayant aucune espèce de connaissance dans cette partie de la guerre, obligèrent les prisonniers romains et peut-être aussi quelques transfuges à diriger leurs travaux. Afin d’isoler le camp de Cicéron, ils creusèrent un fossé de quinze pieds de profondeur, élevant ensuite un parapet de onze pieds[1].

Ces Barbares ne possédaient pas d’instrumens pour remuer la terre ; ils la fouillaient avec leurs épées, et la transportaient dans les pans de leurs saies. Cette seule circonstance suffit pour faire connaître l’état misérable de l’agriculture, et de tous les arts, dans le nord de la Gaule.

S’il faut en croire César, les assaillans étaient en si grand nombre qu’ils ne mirent pas plus de trois heures à terminer cette circonvallation qui formait près de quinze mille pas géométriques. On sent qu’il y a erreur chez

  1. Voy. l’Atlas.