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Instruit de cette résolution par le désordre qui régnait au camp, Ambiorix se mit en embuscade dans une forêt voisine que devait traverser l’armée romaine, et parut en même temps sur ses flancs et sur ses derrières.

Titurius, étonné d’abord, reconnaît enfin le piége. Toutefois, comme il fallait faire une disposition, la grande étendue de la colonne ne permettant pas que l’on pût veiller sur tous les points, on résolut d’abandonner le bagage, de serrer les cohortes, et de se former en rond[1].

César dit que cet ordre, assez convenable dans la circonstance, découragea cependant le soldat ; il dut augmenter aussi l’ardeur des ennemis, qui jugèrent que la crainte et le désespoir pouvaient seuls dicter une détermination semblable.

Il est certain que cette disposition, si l’on accorde qu’elle doive être utile dans la défensive, n’offrait guère de ressources pour sortir de ce mauvais pas. Une troupe formée en rond ne peut se mouvoir sans se rompre ; les Romains s’ôtaient donc ainsi toute possibilité de manœuvrer. Or, il fallait bien, ou que Sabinus continuât sa route vers les quartiers de son collègue, ou qu’il tachât de rentrer dans son propre camp.

La résolution d’abandonner les bagages avait sans doute été prise dans l’espoir que les Gaulois se débanderaient pour piller ; et Sabinus, tout frappé de vertige qu’il était, n’eut sûrement pas manqué de faire payer cher à ces Barbares une faute qui sauva tant de fois des armées disciplinées. Sans cette conjecture, les bagages se seraient tout naturellement placés au milieu du rond.

Quoi qu’il en soit, les Gaulois, contre l’ordinaire, se conduisirent avec beaucoup de prudence ; les chefs parvinrent à leur faire comprendre que tout ce butin ne pouvait leur échapper après la victoire ; on ne vit pas un seul homme quitter son rang.

Les Romains, n’attendant plus de salut que de leur courage, se battirent avec une vigueur surnaturelle. Partout où les cohortes donnaient, il se faisait un carnage effrayant. Ambiorix, qui s’aperçut que ses troupes ralentissaient l’attaque, leur donna ordre de lancer les traits à une certaine distance, et de se retirer à l’approche des Romains. Comme les Gaulois étaient armés à la légère et fort exercés dans cette manière de combattre, Ambiorix supposa que les légionnaires, gênés dans leur marche, ne les joindraient pas facilement.

Ainsi, quand une cohorte s’avançait pour charger, les Gaulois fuyaient au plus vite, et dans leur retraite faisaient pleuvoir une grêle de traits. Mais aussitôt que le corps détaché se retirait pour reprendre son ordre de bataille, il était enveloppé et criblé sur ses flancs découverts.

On reconnaît ici les défauts de la disposition circulaire, qui ne permet que des attaques successives. Un ordre à deux fronts eût bien mieux valu ; il donnait la facilité de former une attaque de vive force, soutenue par la cavalerie, et l’armée romaine avançait alors à mesure qu’elle balayait le terrain.

Malgré tout le désavantage de leur position, les Romains faisaient payer cher à l’ennemi le plus léger avantage. Le combat, commence à la pointe du jour, s’était continué sans relâche jusqu’à deux heures de l’après midi, lorsque Cotta, qui n’avait cessé d’encourager les soldats par son exemple, fut blessé d’un coup de fronde au visage. Ce malheur découragea les cohortes, déjà privées de plusieurs officiers.

  1. Voyez l’Atlas.