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gitif, et ordonne de le ramener mort ou en vie. On l’atteignit au bout de quelques heures. Il mit l’épée à la main en criant qu’il était libre ; mais on ne discuta pas ses droits. Dumnorix périt, et ceux qui l’accompagnaient sans oser le défendre, se laissèrent ramener à César. Tel fut le sort du premier défenseur de l’indépendance de la Gaule.

On continua l’embarquement jusqu’au coucher du soleil. Le vent se montrant favorable, César appareilla le soir même, et le lendemain vers midi sa flotte entra dans une baie commode, peu éloignée du lieu où elle avait abordé l’année précédente.

Les Bretons s’étaient rassemblés, afin de s’opposer de nouveau à la descente des Romains. Toutefois, intimidés à la vue de forces aussi considérables, ils s’éloignèrent de la côte. César croyant avoir trouvé une rade sûre mit à l’ancre ses vaisseaux.

L’île était occupée par des hordes différentes. Celles de la côte, de race belge, portaient encore les noms des peuples du continent dont elles étaient sorties ; les habitans du centre de l’île passaient pour en être originaires. Les Bretons n’ensemençaient point les terres, se nourrissaient de lait, de la chair de leurs troupeaux ; ils se vêtissaient avec des fourrures, se peignaient le corps, et laissaient croître leurs cheveux et leurs moustaches.

Une seule femme se livrait à dix ou douze hommes, surtout quand ils étaient frères ou parens : c’était un bien de famille. Il ne faut pas conclure de là qu’il y eut chez les Bretons moins de femmes que d’hommes ; mais seulement que l’on n’y possédait point les femmes avec les cérémonies du mariage, et que ces insulaires n’avaient pas encore compris qu’une femme ne doit appartenir qu’à un seul homme.

Les Bretons, dit César, donnent le nom de ville à un bois ceint d’un fossé capable d’arrêter l’incursion d’un ennemi. Telle a été l’origine de toutes les cités dans l’enfance des peuples.

On reconnaît par ces mœurs et par celles des Suèves que les Bretons et les Germains n’avaient pas encore quitté la vie nomade. Si les Gaulois sortaient de la Barbarie, ils le devaient aux Grecs, aux Phéniciens, aux Carthaginois, et surtout aux Romains qui les instruisirent après les avoir vaincus.

Ces insulaires, qui ne possédaient point de femmes en particulier, avaient déjà des rois, c’est-à-dire des chefs. César protégeait le fils de l’un d’eux, et le fit reconnaître pour souverain dans une partie de l’île ; mais ce ne fut pas sans de grandes difficultés.

Le proconsul venait de forcer un de leurs postes, quand on vint lui annoncer qu’une tempête élevée la nuit précédente avait causé des dommages considérables à sa flotte. Il quitta la poursuite de l’ennemi, et voulant prévenir désormais de semblables accidens, enferma ses vaisseaux dans l’enceinte du camp établi sur la côte[1]. Cette opération difficile employa dix jours et même dix nuits ; car les ténèbres n’interrompaient point les travaux.

Il paraît que les habitans de l’île de Bretagne, divisés par peuplades, se trouvaient fort désunis quand César y débarqua ; qu’ils profitèrent du répit que leur procurait le désastre de la flotte romaine pour se rapprocher, et qu’ayant oublié les querelles particulières, ils se réunirent sous Cassivellaunus, un de leurs chefs.

Il entra en campagne avec une armée considérable par son infanterie, sa cavalerie et ses chariots de guerre, pe-

  1. Voyez l’Atlas.