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prise, comme les Germains avaient coutume de le faire, mais d’une manière plus sûre, et plus digne de sa haute réputation militaire.

Par ses ordres, on enfonça deux pilotis en amont à deux pieds l’un de l’autre, et deux en aval à quarante pieds des premiers. Ces pilotis avaient un pied et demi d’équarrissage ; on les réunit par une poutre qui formait le chapeau et présentait un équarrissage de deux pieds. On fit autant de piles que l’exigeait la largeur de la rivière ; des madriers et des fascines consolidèrent le tablier du pont.

Cet ouvrage fut terminé en dix jours. César plaça ses postes aux deux bords, et s’avança ensuite dans les parties de la Germanie qui avoisinent le fleuve. Sous prétexte que ces cantons avaient donné asile à un corps de cavalerie ennemie, il y porta la flamme et le fer.

Les Sicambres, qui avaient en effet donné asile à quelques Tenchthères, s’enfuirent au loin ; d’autres peuplades envoyèrent des députés et des otages à César. Tout paraissant ou soumis ou désert, il va chez les Ubes, qui dès long-temps imploraient sa protection contre les Suèves.

Il apprit d’eux que ces Barbares, au bruit de sa marche, avaient envoyé leurs familles dans le fond des bois, et s’étaient tous rassemblés vers le centre de leur pays pour lui livrer bataille.

Sentant qu’un échec exposerait son armée à une ruine entière, sans qu’il lui fût possible de tirer un grand avantage du succès, César résolut de quitter ce pays humide, fangeux, couvert de bois, et qui ne valait pas la peine d’être conquis. Il rassure les Ubes, et dix-huit jours après avoir passé le Rhin, retourne vers son pont, le passe, le fait abattre et rentre dans la Gaule.

César avait vaincu dans cette campagne l’armée nombreuse des Usipètes et des Tenchthères ; il venait de franchir un fleuve difficile, et d’insulter sur leur propre territoire les nations les plus belliqueuses de la Germanie. Bien que la saison se présentât déjà fort avancée, il résolut de former encore une expédition.

Les Bretons avaient toujours donné quelques secours aux Gaulois contre Rome, dont ils ne connaissaient guère que le nom. Il n’en fallut pas davantage pour déterminer César à porter la guerre dans leur île.

Elle n’était connue que des marchands, et elle l’était si mal, que César ne put tirer aucun renseignement de ceux qu’il interrogea. Il envoya une galère en reconnaissance sous les ordres de Volusenus.

Quelques petits peuples de la Bretagne s’intimident et députent à César. Il les charge de préparer les esprits en sa faveur, et les fait reconduire par un Gaulois nommé Commius, qu’il avait nommé roi des Atrébates (Artésiens), et qui jouissait, on ne sait à quel titre, de beaucoup d’autorité chez les Bretons.

Sur les instructions de Volusenus, qui employa cinq jours à visiter les côtes, César rassembla dans un havre, entre Calais et Boulogne, quatre-vingts bâtimens de transport et un grand nombre de galères. Le reste de ses vaisseaux était retenu par les vents contraires dans une baie peu éloignée ; il y envoya sa cavalerie et s’embarqua en personne avec la septième et la dixième légions.

Il arrive heureusement sur la côte de Bretagne. Toutefois, les rochers qui se trouvaient devant lui étaient escarpés, et les collines couvertes d’une multitude innombrable de fantassins, de cavaliers