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des hommes de cette légion, formèrent le dessein de la surprendre et de la tailler en pièces. Ils occupèrent successivement toutes les montagnes voisines, et quand leurs forces furent réunies, fondirent sur les retranchemens des Romains.

L’action durait déjà depuis six heures, et les forces aussi bien que les traits des légionnaires commençaient à s’épuiser, lorsque le primipile P. Sext. Baculus conseilla de faire une sortie générale, et de forcer l’ennemi à combattre corps à corps. On devait supposer en effet que le soldat romain reprendrait sa supériorité ordinaire, dès qu’il pourrait faire usage de son épée.

Le premier résultat de cette résolution généreuse fut de tuer dix mille hommes à l’ennemi ; on en força bientôt vingt mille autres à la retraite, et la 12e légion se trouva entièrement dégagée. Servius Galba néanmoins ne crut pas devoir garder un poste où il avait couru de si grands périls, et alla passer le reste de l’hiver à Genève.

Il est certain que la position de Servius devenait très mauvaise, dans cette vallée si facile à environner. S’il eût établi son camp sur le penchant d’une montagne, avec la précaution d’en fortifier le sommet et les différentes issues, afin de garantir ses derrières et de se garder une retraite, les Veragres, au contraire, se plaçaient dans une situation fâcheuse en venant l’attaquer.

Ce général commit encore une faute, lorsque sa confiance dans la parole d’un peuple barbare lui fit négliger de remplir ses magasins, et de perfectionner ses retranchemens.

Les sept autres légions de César, distribuées entre la Loire et l’Océan, manquaient de vivres, comme il en fut informé pendant son séjour en Illyrie. Le proconsul reçut aussi des lettres de P. Crassus, qui commandait la 7e légion sur le territoire des Andes, près des bords de la mer ; ces lettres lui révélèrent l’existence d’une ligue nouvelle formée par les habitans de la côte, de l’embouchure de la Loire à celle de la Seine. Les Venètes, le peuple le plus puissant de ces contrées, avaient donné l’exemple de la révolte en arrêtant les officiers romains envoyés chez eux pour se procurer des provisions. Ils redemandaient leurs otages, et par cette violence espéraient forcer Crassus à les leur rendre.

En réponse César mande à Crassus de faire construire des galères sur la Loire, et d’appeler en diligence des rameurs, des pilotes, des matelots de la Gaule Narbonnaise, soumise dès long-temps aux Romains.

Les ordres du proconsul s’exécutent ponctuellement. Il arrive aussitôt que la saison le permet, et trouve sa flotte tout équipée (an 698 de Rome, 56 av. notre ère). Il apprend cependant que les Venètes et leurs alliés appellent les insulaires des Îles Britanniques, et qu’au nord des Gaules ils soulèvent les Menapes qui erraient entre les embouchures de la Meuse et de l’Escaut.

Les Venètes, situés sur l’Océan, au midi de l’Armorique (la Bretagne), à peu près dans le lieu où Vannes est bâtie aujourd’hui, faisaient quelque commerce avec ces deux peuples. Ils connurent sans doute les Phéniciens, les Carthaginois ou les habitans de Massilie, et furent initiés par eux au grand art de la navigation.

Dans le recensement que fait César des peuples de la côte, il ne nomme point cette ville de Corbilon, si célèbre au temps de P. Scipion, et qui, si elle exista réellement, n’était sans doute, comme nous l’avons dit, qu’un comptoir établi par l’une de ces trois nations commerçantes.