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tant d’escarmoucher avec sa cavalerie.

Les Germains étaient particulièrement exercés à ce genre de combat. Ils avaient six mille hommes de cavalerie, auxquels on attachait un pareil nombre de fantassins d’un courage éprouvé. Soutenus par les cavaliers, ils les protégeaient à leur tour, et couvraient ceux qu’une blessure dangereuse renversait de cheval. Telle était l’agilité de ces hommes d’élite que s’il fallait avancer ou se retirer rapidement, ils s’accrochaient aux crins des chevaux et les égalaient à la course.

César voyant qu’Arioviste, toujours enfermé dans son camp, pouvait longtemps intercepter les vivres de l’armée romaine, résolut de prendre un poste avantageux à six cents pas (géométriques) au-delà des Germains.

Il y marcha sur trois colonnes. La première et la seconde se mirent en bataille ; la troisième travaillait aux retranchement. Arioviste s’avança vers César avec toute sa cavalerie et seize mille hommes d’infanterie légère, dans le dessein d’intimider l’armée romaine, et d’interrompre ses travaux. César se contenta de lui opposer les deux premières lignes ; la troisième continua les retranchemens. Lorsqu’ils furent achevés, le proconsul y plaça deux légions avec une partie des auxiliaires ; les autres, au nombre de quatre, retournèrent au camp.

Le lendemain César fit sortir ses légions et les mit en bataille à quelque distance du premier camp. L’ennemi resta dans l’inaction, et le général romain retira ses troupes vers le milieu du jour. Alors seulement Arioviste envoya une partie des siens attaquer le petit camp, et le combat se soutint jusqu’au coucher du soleil.

Surpris de ce qu’un conquérant si fier refusât constamment la bataille, César interrogea quelques prisonniers, et apprit que les Germains ne devaient combattre qu’après la nouvelle lune. Des femmes, qui passaient chez ce peuple pour voir dans l’avenir, avaient décidé qu’Arioviste serait vaincu sans cette précaution.

César sut habilement profiter de la superstition de ces Barbares. Le lendemain, ayant laissé une garde suffisante dans les deux camps, il mit ses auxiliaires en bataille, à la vue de l’ennemi, devant le petit camp, pour faire parade de toutes ses troupes ; car ses légions, dit-il, étaient peu nombreuses en comparaison des forces de son adversaire. César forma ensuite trois lignes, et marcha aux ennemis[1].

Lorsque les Germains se virent forcés de recevoir la bataille, ils sortirent de leur camp, et se placèrent par nations. Harudes, Marcomans, Tribokes, Vangions, Nemètes, Seduses, Suèves, tous étaient rangés avec des intervalles égaux. Une enceinte de chariots et d’équipages leur fermaient la retraite. Du haut de ces chariots les femmes animaient les soldats à mesure qu’ils défilaient devant elles, les suppliant de les soustraire à l’esclavage des Romains.

César partagea le commandement des légions entre ses lieutenants et son questeur, et engagea le combat par son aile droite, ayant jugé que les Germains étaient plus faibles de ce côté.

Au premier signal les deux armées s’abordent avec tant d’impétuosité que les Romains ne peuvent lancer le pilum. On combattit avec l’épée. Les Germains se serrent promptement en phalange, suivant leur coutume, et se font un rempart de leurs boucliers. On vit plusieurs soldats romains mépriser cet obstacle, écarter les boucliers avec la main, et blesser les premiers rangs ennemis.

  1. Voyez l’Atlas.