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ceux qui ont calculé sa durée comptent près de quatre générations par siècle. Ainsi la race humaine, à l’exception de quelques vieillards, s’était renouvelée trois fois depuis l’entrée des Romains dans la Gaule, et deux fois à partir du moment où Marcius conduisit la colonie de Narbonne.

Pour un peuple étranger à toutes les connaissances humaines, la mémoire des plus grands événemens doit être bientôt effacée. Les races se succèdent et plient avec d’autant plus de facilité sous de nouvelles mœurs, qu’aucun établissement ne les attache aux anciennes.

Les Romains au contraire tenaient singulièrement à leurs constitutions ; l’on retrouve dans toutes leurs colonies les formes de la république. Leur incroyable activité ne se bornait pas à détruire, et nous avons vu avec quelle ardeur ils peuplèrent la Gaule Cisalpine.

Au-delà des Alpes ils fondent neuf colonies entre le Var et le Rhône, sur la seule Provence, et cinq au-delà de ce fleuve dans le Languedoc. Si l’on ajoute celles du Vivarais, du Dauphiné et de tous les pays méridionaux qu’ils désignaient sous le nom général de Province romaine, on trouvera au moins vingt-cinq de leurs colonies des Alpes aux Pyrénées.

Ces premiers établissements furent l’objet d’un décret du sénat ; les colons y étaient conduits par des triumvirs. Ils bâtissaient toujours la nouvelle ville sur le plan de la métropole. On y élevait un capitole, un cirque, un amphithéâtre et d’autres édifices semblables à ceux de Rome, afin d’en retracer perpétuellement l’image aux citoyens qui ne devaient plus la revoir.

On leur donnait aussi le même gouvernement que celui de l’ancienne patrie ; on ne changeait que les titres des premiers magistrats. Le peuple y tenait ses assemblées ; on y voyait un sénat. Chaque colonie payait un tribut.

Il y avait des villes latines fondées par des peuples du Latium ou de l’Italie, qui ne jouissaient pas des droits politiques à Rome ; mais elles différaient si peu des autres que les écrivains les confondent souvent. Quand les peuples de l’Italie eurent acquis ce privilége, le sénat le refusa encore à leurs colons qui n’avaient pas possédé quelque magistrature. Par la suite, des villes purement gauloises prétendirent aux mêmes franchises que les villes latines.

Sylla introduisit une troisième sorte de colonies inconnue jusqu’à lui, la colonie militaire. On envoyait des soldats dans une contrée, on leur partageait les terres, et les propriétaires légitimes étaient chassés. Il semble qu’avant le temps des proscriptions les peuples ne se plaignirent point qu’on usât envers eux d’une semblable tyrannie. Rome, qui la souffrait, la subit bientôt à son tour.

Outre ces colonies il existait des villes grecques fondées par les Massiliens sur toute la côte de la Méditerranée. Ces villes avaient commencé à faire connaître un peu d’agriculture aux Gaulois de leur voisinage ; mais elles s’occupaient bien plus de commerce que de civilisation.

Ce sont les Romains qui en cultivant les terres conquises, et en pénétrant dans l’intérieur de la Gaule, instruisirent ses habitants à élever des villes, à défricher les campagnes, à subsister des productions du sol, à se défendre enfin contre les incursions des Barbares. Ils ont peuplé, défriché la Gaule Narbonnaise. La Celtique, la Belgique et l’Aquitaine, dont nous connaissons à peine l’histoire avant la conquête des Romains, ont dû éprouver dans leurs

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