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remit sous le joug les Helvètes, les Voconces et les Arecomikes. Suivant l’usage des Romains, il leur ôta une partie de leurs terres, et en fit un nouveau présent à la fidélité des Massiliens. Fonteius fut chargé d’exécuter son décret.

Les Voconces s’y opposèrent, et vinrent mettre le siége devant Narbonne ; mais ils furent dispersés par le préteur. Des colonies romaines arrivèrent à Toulouse, à Beziers, à Ruscino ; des agriculteurs se répandirent dans les campagnes, et les défrichèrent.

Contraint de repasser les monts et de se retirer dans la Gaule Narbonnaise, Pompée écrivit au sénat que ses troupes avaient vécu pendant une année entière des seuls approvisionnemens fournis par la Gaule, mais que cette province était épuisée. Le sénat envoya des secours plus considérables à Pompée ; il reparut en Espagne, et termina la guerre.

À son retour, il fit dresser sur la cime d’une montagne des Pyrénées un superbe trophée au pied de sa statue, avec une inscription fastueuse qui disait au monde que Pompée, vainqueur depuis les Alpes jusques au fond de l’Espagne, avait soumis huit cent soixante-seize villes. La plupart étaient en Espagne ; et quelles villes encore, quel abus de mots, pour flatter le peuple de Rome et mendier les honneurs du triomphe !

Cependant Induciomare, député par les Gaulois, vint se plaindre au sénat des vexations de Fonteius et du rapt des terres fait sur l’ordre de Pompée. Cicéron prit la défense du préteur contre les peuples, et traita les Gaulois avec le plus profond mépris.

Nous ignorons le jugement du sénat ; une partie du plaidoyer de Cicéron s’est perdue. On voit seulement par ce qui en resté que les Grecs de Marseille, les colons romains de Narbonne, de simples laboureurs et des bergers latins, répandus dans la Gaule, prirent parti pour le préteur, dont les exactions favorisaient leurs établissemens.

Quelques années après, et sur les plaintes des Allobroges, Cicéron défendit Calpurnius Pison, autre préteur de la Gaule. On voit que le sénat, en soumettant tous les peuples, donnait au moins un moyen légal de résister aux oppresseurs, et d’en obtenir une prompte justice.

La douceur et l’équité de Murena, successeur de Pison, pacifièrent d’abord les esprits. Les intrigues de Catilina avaient bien réveillé l’humeur belliqueuse des Allobroges ; mais la vigilance de Cicéron fit avorter les projets du conspirateur. Il périt avant que les Allobroges fussent en état de seconder ses vues ; et lorsque ce peuple, sous la conduite de Catugnat, se jeta sur la Gaule Transalpine, il fut battu par le préteur Pontinius, à qui cette victoire procura le triomphe.

Ces faibles soulèvemens, mal combinés, sont à peine dignes d’entrer dans une table chronologique. Ils n’empêchèrent point le plus grand nombre des habitans de la Gaule Narbonnaise de rester soumis. On découvre même que, pendant ces temps de troubles, ce peuple tourna du côté de l’agriculture l’inquiétude naturelle de son caractère. (Nous l’avons déjà remarqué.)

Il y eut quarante-trois années d’intervalle entre l’excursion des Cimbres et celle de César ; et du jour que le consul Opimius s’empara de la première ville de la Gaule Transalpine qui soit tombée sous les armes de Rome, jusqu’à celui où Jules César obtint du sénat le gouvernement des deux Gaules, il s’écoula quatre-vingt-seize ans.

La vie de l’homme est si courte que