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le milieu de l’été. Lorsqu’il arriva sur le sommet du mont Taurus, et qu’il vit les grains trop peu avancés pour espérer d’y faire subsister ses troupes, il se trouva un peu découragé ; cependant il gagna les plaines, et mit en fuite les Arméniens dans deux ou trois escarmouches.

Mithridate s’était campé sur une colline, ayant avec lui toute l’infanterie et une partie de la cavalerie. Tigranes voulut attaquer les Romains avec le reste des cavaliers, et fut battu. Cet avantage assura les subsistances et les fourrages de Lucullus, qui poussa même jusques auprès de la hauteur qu’occupait Mithridate. Un convoi assez considérable, destiné à Tigranes, et dont les Romains s’emparèrent, jeta bientôt dans le camp des Arméniens la disette que Lucullus avait tant à craindre auparavant.

Afin d’attirer Mithridate, le consul ravagea, sous ses yeux, une partie du plat pays. Mais le roi de Pont ne fit aucun mouvement, et Lucullus conduisit ses troupes vers Artaxate, capitale de l’Arménie, où étaient les femmes et les enfans de Tigranes.

À cette nouvelle, le roi d’Arménie se met en marche, et vient camper, le quatrième jour, vis-à-vis de l’ennemi ; de manière que les deux armées n’étaient, pour ainsi dire, séparées que par le fleuve Arsanias. Les Romains devaient le traverser pour faire le siége d’Artaxate.

Comme la rivière était guéable, la vue de Tigranes n’arrêta point Lucullus. Douze cohortes s’avancèrent de front, soutenues par une seconde ligne[1]. Sa cavalerie avait passé la première, et culbutait celle des Mardes et des Ibériens, auxquels Tigranes se fiait le plus.

Aussitôt Tigranes donne le signal à ses troupes. Lucullus ne put voir leur nombre et l’éclat de leurs armes sans en être ému. Mais cette crainte fit sur lui l’effet qu’elle produit ordinairement sur les grands hommes ; elle anima son courage, et l’éclaira sur le parti qu’il fallait prendre.

Il envoya l’ordre à sa cavalerie, qui poursuivait les Mardes et les Ibères, de revenir à son poste ; et croyant devoir donner l’exemple dans cette occasion difficile, il marcha le premier à la tête de son infanterie, fondant sur les Arméniens, commandés par leur roi. Ceux-ci n’attendirent pas les Romains et prirent la fuite. (An 687 de Rome ; 67 av. notre ère.)

Il serait à désirer que Plutarque nous eût laissé un plus grand détail de cette affaire, et surtout qu’il nous fît connaître les dispositions des Romains pour passer le fleuve. On doit croire que Lucullus rangea de front les douze cohortes qui s’avancèrent d’abord, et que la cavalerie fut placée au dessus pour rompre le courant de l’eau. Nous possédons tellement peu de notions sur l’Arsanias qu’on ne peut pas dire si ce fleuve était rapide ; mais il avait nécessairement un courant.

La cavalerie aurait donc traversé vis-à-vis les Ibères et les Mardes, et les douze cohortes un peu au dessous. Comme le corps de bataille de Tigranes débordait de beaucoup les Ibères et les Mardes, qui n’en étaient, pour ainsi dire, que les troupes légères, Lucullus dut craindre d’être enveloppé. Plutarque se contente de dire qu’il y remédia, sans expliquer de quelle manière.

Pour bien juger des causes de la défaite de Tigranes il faudrait connaître exactement le terrain sur lequel cette action se passa. On sait seulement qu’Artaxate se trouvait située dans la

  1. Voyez l’Atlas.