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considérables. Ils le battent une seconde fois, et le font prisonnier.

Voulant tirer quelques éclaircissemens pour l’irruption qu’ils projetaient en Italie, les Barbares l’interrogèrent. Scaurus leur répondit hardiment qu’ils périraient jusqu’au dernier avant de pénétrer dans Rome. Il les en assura si fortement, que Boïorix, un de leurs chefs, le poignarda, et le mit ainsi au rang de ces Romains fameux qui ont péri victimes de leur amour pour la patrie.

Les Cimbres attaquèrent alors le consul Mallius, dispersèrent son armée, prirent son camp, tuèrent ses deux fils, et lui-même périt sans doute dans cette bataille, puisqu’on n’a jamais su ce qu’il était devenu.

Aussitôt après, les Cimbres se retournent sur Cœpion, l’accablent, le mettent en fuite, et s’emparent de son camp qu’il avait posé dans l’endroit où est aujourd’hui la ville d’Orange. Sertorius, qui devint si célèbre dans la suite, faisait ses premières armes ; il eut son cheval tué sous lui, et se sauva en traversant le Rhône à la nage.

Ce fut la sixième victoire que les Cimbres ou les Teutons remportèrent sur les Romains dans les Gaules. Je dis les Cimbres ou les Teutons, à cause de l’obscurité que le récit des historiens répand sur la marche de ces barbares. On serait tenté de croire que les Cimbres avaient déjà passé les Pyrénées, et que les Teutons et les Ambrons étaient restés dans les Gaules. Il est certain que par leur multitude, ils occupaient plusieurs provinces à-la-fois.

Les Gaulois s’enfuirent de toutes parts à l’apparition des cinq cent mille combattans qui se jetaient sur leur pays. Ils s’enfermèrent avec leurs femmes, leurs enfans, leurs troupeaux, dans les lieux susceptibles de défense ; tels que les rochers, les îles, les angles formés par les confluens des rivières, et les bois où quelques abattis suffisent pour fortifier une enceinte. Les troupeaux avaient disparu en grande partie par la famine et le pillage des vainqueurs. Il fallait donc demander à la terre des productions pour subsister ; car elle seule pouvait réparer promptement les pertes occasionnées par d’horribles dévastations.

Ce fut sans doute depuis cette époque, qu’instruits par les Massiliens, les colons romains et surtout par la nécessité, les Gaulois commencèrent à préférer les villes qu’on peut défendre, aux campagnes ouvertes ; les demeures fixes, aux habitations ambulantes ; l’agriculture qui fait subsister beaucoup de familles sur un terrain resserré, à la vie nomade qui n’en peut entretenir qu’un petit nombre sur un immense territoire. Cette conjecture semble d’autant plus vraisemblable, que les Cimbres ne traversèrent pas la Gaule comme un torrent ; ils y restèrent douze années, et battirent cinq consuls.

Ces défaites, dans un coin presque inconnu du monde, étonnèrent beaucoup les Romains dont les armes, partout ailleurs, étaient triomphantes. Pour la seconde fois, ils nommèrent consul, Marius, et chargèrent de veiller au salut de l’Italie, ce conquérant de la Numidie, qui avait pris Jugurtha, et venait de le traîner en triomphe à leurs yeux.

Le péril n’était pas si pressant, puisque l’année entière du consulat de Marius s’écoula sans qu’il fût nécessaire de marcher contre les barbares. Il fut nommé consul jusqu’à trois fois de suite et n’eut pas occasion de les combattre. Son collègue Catulus gardait le Nord de l’Italie dans la Gaule Cisalpine : Marius s’était campé dans la Transalpine, au bord du Rhône, vers l’endroit où l’on a

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