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on les vit dans leur camp, livrés au sommeil, ne craignant rien d’un ennemi en fuite, et qui avait été sur le point de tomber entre leurs mains.

Marius résolut de les attaquer. Il donna ordre à ses troupes de courir aux armes, au moment où les trompettes sonneraient la charge, de pousser de grands cris, d’augmenter le tumulte en frappant sur leurs boucliers, et de se jeter avec impétuosité sur les Numides. Ce plan eut tout le succès qu’en attendait Marius ; l’ennemi éprouva encore une déroute complète.

Cette victoire ne diminua pas la vigilance du consul, qui marcha vers les villes situées sur la côte, où il voulait établir ses quartiers d’hiver. Il fit avancer son armée dans le même ordre que Metellus ; et Salluste se sert encore des termes quadrato agmine incedere, dont nous avons donné ailleurs la signification.

Il approchait de la ville de Cirta, en longeant une chaîne de hauteurs qui se présentaient sur sa gauche. Les archers et les frondeurs, renforcés des cohortes auxiliaires de Ligurie, furent jetés de ce côté, sous les ordres de Manlius. Sylla marchait, avec toute sa cavalerie, sur la droite. Les extraordinaires formaient la tête et la queue des trois colonnes.

Le quatrième jour, les éclaireurs vinrent annoncer l’apparition de l’ennemi sur plusieurs endroits, ce qui fit juger à Marius qu’il allait être enveloppé. Ce général avait tout prévu, et ne changea rien à son ordre de marche.

Sylla fut attaqué le premier, et se soutint avec beaucoup de vigueur ; bientôt les Numides tombèrent aussi sur l’avant et l’arrière-garde. Après un combat très vif, les troupes de la queue commençaient à plier, lorsque Sylla s’étant défait de la cavalerie maure qu’il avait en tête, vint prendre en flanc celle de Bocchus, et en délivra les légions romaines. Marius, qui combattait à l’avant-garde, ayant aussi repoussé l’ennemi de son côté, ce ne fut plus qu’une déroute dans laquelle chacun prit la fuite.

Cette disposition était, quant au fond, la même que celle de Metellus ; mais ici, les manipules des légionnaires qui marchaient, comme de coutume, par leur front, demeurèrent en colonne, avec leurs équipages dans les intervalles, et ne firent pas le quart de conversion afin de se mettre en ligne. Marius se contenta des mesures qu’il avait prises, pour garantir la tête, la queue et les deux flancs.

On voit que ce n’est pas sans raison que cet ordre de marche se désignait par agmen quadratum, puisque les trois colonnes pouvaient se mettre en bataille sur l’un et l’autre flanc par des mouvemens prompts et très simples. D’ailleurs on faisait face en même temps des deux côtés, les hastaires et les triaires s’avançant hors de leurs équipages pour se mettre en front ; les princes, qui occupaient le milieu, formaient une réserve. Les troupes de l’avant et de l’arrière-garde devaient aussi s’étendre en bataille et couvrir la tête et la queue.

Ces dispositions prises, il résultait un véritable carré plus ou moins long, selon l’étendue des colonnes légionnaires. Cette figure n’était pas dans l’esprit du plesion ou du plinthion des Grecs, qui dessinaient quatre côtés pleins avec un vide au milieu, à peu près comme nous formons les bataillons carrés dans la tactique moderne ; mais on y trouve encore assez d’analogie avec la forme purement carrée, pour justifier l’expression latine qui a tant embarrassé les commentateurs.