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de l’armée romaine fuyait honteusement devant les Macédoniens, et le proconsul eut besoin de toute son autorité pour contenir les troupes, tant était forte l’impression du premier échec reçu presque en présence de l’armée entière. Si le roi avait profité de cet incident, la défaite des Romains devenait inévitable. Le malheur de ce prince fut de se voir engagé malgré lui dans un combat auquel il ne s’était pas attendu, et de n’en avoir pas calculé toutes les chances.

On lui donnait incessamment avis de l’ardeur et de l’avantage de ses soldats ; on lui annonçait que la terreur était dans l’armée romaine ; on le félicitait enfin comme si le succès du combat ne devait plus être douteux. Mais ce prince s’opiniâtra dans ses premières idées. Il se plaignit de la désobéissance de ses généraux qui, malgré ses ordres si précis, poussaient les fuyards jusqu’au bas de la montagne, et sembla craindre de commettre sa gloire, en faisant naître la victoire de l’imprudence et de la témérité.

L’infanterie romaine qui s’ébranlait, ne lui permit plus de douter que, pour sauver une partie de son armée, il ne fallût l’engager toute entière. Comme les montagnes étaient plus escarpées et plus difficiles de son côté, ce ne fut pas sans peine qu’il se dirigea sur les hauteurs nommées Cynocéphales. Les peltastes formaient la tête de la colonne, et le roi suivait avec la droite de la phalange. Elle marchait par son flanc, dans la route que ses détachemens avaient frayée.

Philippe voulait gagner le sommet des montagnes ; mais il lui importait beaucoup de ne pas se laisser prévenir, puisque la pelouse lui permettait de s’y former, et qu’il pouvait en descendre pour marcher à l’ennemi sans rompre les rangs. Il craignit donc de perdre un moment, et donna l’ordre à Nicanor de conduire la gauche de la phalange de front, chaque section montant droit devant elle.

Le prince crut abréger par là cette marche difficile, et cette erreur le perdit. Il arriva sur la pelouse avec la droite de la phalange, et eut tout le temps de s’y former en bataille, en déployant par la gauche à mesure qu’il débouchait. La bravoure et l’opiniâtreté de ses troupes, contenaient toujours Q. Flaminius.

Si la marche de Nicanor s’était faite avec autant de courage que celle de Philippe, le succès n’en fut pas aussi heureux. Les soldats grimpèrent avec une égale impatience ; mais le terrain ne se présentait pas le même pour chaque section. Les unes parcouraient une seule montagne qui se prolongeait jusqu’à la pelouse ; les autres rencontraient plusieurs rochers, des crevasses, des ravins qu’elles devaient escalader ou franchir. Les sections se séparèrent. Quelques-unes, engagées de hauteurs en hauteurs, obligées de faire des circuits pour trouver les endroits praticables, s’éloignèrent considérablement.

Quel coup-d’œil désespérant pour un général placé dans la position de Philippe ! Il dévora son chagrin, joignit à sa droite chaque section à mesure quelle arrivait sur la pelouse ; enfin voyant que l’escarmouche allait se terminer à son désavantage, il fit un seul corps d’infanterie de trente-deux hommes de hauteur, le flanqua de ce qu’il put trouver de troupes légères, et s’avança fièrement contre les Romains.

Q. Flaminius, de son côté, marchait à sa rencontre ; mais il ne put soutenir le choc de cette masse profonde : tout ce qui se présenta devant elle rebondit ou fut renversé. La singularité de l’ordon-