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POLYBE, LIV. XXXVIII.

teste les dieux que je ne leur ai point découvert les secrets de nos assemblées. » Quelques-uns l’en crurent sur sa parole ; mais la multitude aima mieux en croire son préteur qui, par ces sortes de calomnies, vint à bout de faire déclarer la guerre aux Lacédémoniens, et dans leur personne aux Romains. Ce décret fut suivi d’un autre qui n’était pas moins injuste, savoir : que quiconque dans cette expédition s’emparerait de quelque terre ou place, en demeurerait le maître. Depuis ce temps-là, monarque dans son pays, ou peu s’en faut, il ne pensa plus qu’à brouiller et à soulever les Achéens contre les Romains, je ne dis pas seulement sans raison, mais par les voies les plus irrégulières et les plus injustes. Lorsque la guerre fut déclarée, les ambassadeurs se séparèrent. Papirius alla d’abord à Athènes, et revint ensuite à Lacédémone pour observer de loin les démarches de l’ennemi. Un autre partit pour Naupacte, et deux restèrent à Athènes jusqu’à ce que Métellus y fût arrivé. Tel était l’état des affaires dans le Péloponnèse. (Ambassades.) Dom Thuillier.


II.


Ce que le livre xxxviii contient semble être le dernier malheur des Grecs ; et cependant, quoique leur pays ait eu souvent à souffrir des pertes tantôt partielles et tantôt générales, il n’est point d’infortunes passées qui aient plus mérité d’être appelées de ce nom que les événemens de notre époque et auxquelles on puisse appliquer ces paroles, que..... Aussi les maux que les Grecs ont soufferts doivent exciter dans tous les cœurs une commisération qui s’augmentera, si l’on veut étudier dans ses détails la vérité des faits. On pense, par exemple, que les Carthaginois ont éprouvé une catastrophe que rien ne surpasse ; mais qu’on y réfléchisse, et l’on verra que la position des Grecs, loin d’être moins malheureuse, l’est encore davantage. En effet, si les Carthaginois se sont vus anéantis, ils ont au moins laissé à la postérité des moyens de justification ; tandis que les Grecs n’en donnent aucun à ceux qui voudraient entreprendre de défendre leur faute. Les uns disparurent dans une douloureuse péripétie, et perdirent à jamais le sentiment de leurs maux ; les autres, traînant leur agonie, léguèrent à leurs enfans un héritage de larmes. Selon nous, ceux qui survécurent pour être malheureux sont plus à plaindre que ceux qui périrent sous les ruines de la patrie, et les infortunes des Grecs méritent plus de pitié que celles des Carthaginois. Il en doit être ainsi ; à moins qu’en écrivant, l’historien, sans égard pour ce qui est noble et beau, n’ait en vue que son intérêt. Pour nous, c’est la vérité seule que nous avançons, et chacun en conviendra, si l’on veut reconnaître que les Grecs n’ont point souffert de plus grandes épreuves que celles dont nous venons de parler.

La fortune paraît avoir frappé la Grèce d’une profonde terreur, à l’époque de l’invasion de Xerxès en Europe ; et dans le fait, tous leurs états coururent de grands dangers. Il y en eut fort peu cependant qui périrent, et les Athéniens, moins que tout autre peuple ; car prévoyant sagement ce qui allait arriver, ils emmenèrent leurs femmes et leurs enfans, puis abandonnèrent la ville. Cette détermination ne laissa pas cependant de leur causer certaines pertes ; car l’ennemi, maître de la cité, se vengea sur elle en la dévastant. Les Athéniens n’encoururent pour cela ni reproche ni honte ; au contraire, ils se