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POLYBE, LIV. XXXV.

FRAGMENS
DU

LIVRE TRENTE-CINQUIÈME.


I.


La guerre de feu.


Le nom de guerre de feu a été donné à celle que les Romains firent contre les Celtibériens. La manière dont fut conduite cette guerre et la série continuelle des combats qui s’y livrèrent sont vraiment dignes d’admiration. Les guerres germaniques et asiatiques sont habituellement terminées en une seule bataille, rarement en deux ; et les batailles elles-mêmes se décident la plupart du temps par le premier choc et par l’attaque de toutes les troupes. Il en fut tout autrement dans la guerre dont nous parlons. C’était ordinairement la nuit qui mettait fin aux combats, attendu que les deux partis résistaient avec courage, et quelque fatigués qu’ils fussent, ils refusaient de donner aucun repos à leurs forces physiques, et qu’ensuite, comme ayant regret d’avoir quitté un instant le combat, ils revenaient avec une vigueur nouvelle et recommençaient le combat. L’hiver put à peine faire cesser toute guerre et arrêter tout combat partiel. Si jamais guerre mérita le nom de guerre de feu, ce fut certes celle-là. (Apud Suidam in Πύρινος πόλεμος.) Schweighæuser.


Les Belles et les Tithes, alliés du peuple romain, députent à Rome. — Les Arévaques, ses ennemis, y députent aussi. — Guerre contre ces derniers. — Courage de Scipion Æmilianus.


Après la trève faite avec Marcus Claudius, les Celtibériens envoyèrent des ambassadeurs à Rome, et se tinrent tranquilles en attendant la réponse. Marcellus profita aussi de cet intervalle pour marcher contre les Lusitaniens. Il prit d’assaut Nergobrix, leur capitale, et passa l’hiver à Cordoue. Les députés des Belles et des Tithes, comme amis du peuple romain, furent reçus dans Rome ; pour les Arévaques, dont on était mécontent, on leur ordonna de séjourner sous des tentes au-delà du Tibre, jusqu’à ce que leur affaire eût été discutée. Le temps venu d’avoir audience du sénat, le consul les y conduisit séparément. Tout Barbares qu’ils étaient, ils firent un exposé très-net et très-sensé des différentes factions de leur contrée. Ils firent voir que si l’on ne punissait pas ceux qui avaient pris les armes contre les Romains comme ils méritaient d’être punis, ils ne manqueraient pas, dès que l’armée consulaire serait sortie du pays, de fondre sur les amis des Romains et de les traiter comme des traîtres à leur patrie ; que si leur première faute demeurait impunie, bientôt ils brouilleraient de nouveau, et qu’après avoir résisté à la puissance romaine, il leur serait aisé d’entraîner dans leur parti toute l’Espagne. Sur ces raisons ils demandèrent, ou qu’il y eût toujours une armée en Espagne, et qu’un consul fût envoyé chaque année pour protéger les alliés et les venger des insultes des Arévaques, ou qu’avant d’en retirer les légions, on tirât de la rébellion des Arévaques une vengeance si éclatante,