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ARRIEN, LIV. VII.

Babylone, Alexandre descend vers un bras de l’Euphrate, appelé le canal de Pallacope, éloigné de la ville de huit cents stades.

L’Euphrate qui prend sa source dans les montagnes d’Arménie, fleuve peu considérable, et renfermé pendant l’hiver dans son lit, s’enfle au commencement du printemps, et surtout vers le solstice d’été ; grossi par la fonte des neiges qui s’écoulent des montagnes, il se répand alors au-dessus de ses bords, et inonderait le pays s’il ne trouvait le canal de Pallacope, par lequel, après s’être dégorgé dans les marais qui s’étendent jusqu’aux frontières de l’Arabie, il s’écoule sous terre et se perd insensiblement dans la mer ; mais la fonte des neiges passée, vers le coucher des pléïades, l’Euphrate rentre dans son lit ; et quoiqu’il soit réduit à peu d’eau, la plus grande partie s’épanche dans le canal, et laisse dans l’aridité les campagnes de l’Assyrie, à moins que l’on ne ferme l’extrémité du canal pour faire régorger les eaux.

Le satrape employait pendant trois mois plus de dix mille Assyriens à ce travail en partie infructueux, parce que la terre étant légère et sans consistance, est trop facilement délayée par les eaux. Alexandre instruit de ces détails, résolut une entreprise utile pour l’Assyrie, en opposant sur ce canal une digue plus solide aux eaux de l’Euphrate. On fouille à trente stades de là, on découvre une terre solide qui, revêtissent le canal, doit en hiver contenir les eaux du fleuve dans leur lit, sans empêcher leur débordement au printemps.

Alexandre descend le canal, navigue sur le lac où il se décharge, et touche aux frontières des Arabes. Là, trouvant un lieu favorable, il bâtit une ville qu’il entoure de murailles, et la peuple d’une colonie de Grecs stipendiaires ou volontaires, que l’âge ou les blessures rendent inhabiles aux combats.

Alexandre traitant alors de frivole l’oracle des Chaldéens, puisqu’il était sorti de Babylone sans encombre, remonta par les marais, ayant la ville à sa gauche. Il fait remettre dans sa route une partie égarée de la flotte loin de son chef. On raconte le trait suivant :

Les tombeaux des rois d’Assyrie s’élèvent au milieu des étangs ; au moment où Alexandre gouvernait lui-même la trirème qu’il montait, un vent violent, venant à s’élever, emporta sa couronne et son diadême ; l’une tomba dans l’eau ; l’autre, enlevé par le vent, fut retenu par un des roseaux qui croissent autour de ces tombeaux. On en conçut un présage sinistre, surtout en voyant que le matelot qui s’était jeté à la nage le mit sur sa tête pour ne point le mouiller.

Tous les historiens rapportent qu’il reçut en récompense un talent, mais qu’ensuite Alexandre le fit mourir, sur l’avis des Chaldéens, qui lui dirent qu’une tête qui avait porté son diadême devait être abattue.

Aristobule, ne parlant point de la récompense, raconte que l’infortuné fut battu de verges ; c’était un matelot phénicien. Plusieurs attribuent le trait à Séleucus, auquel il présagea sa grandeur future et la mort d’Alexandre : Séleucus, de tous ceux qui lui succèderent, fut celui qui, dans le plus haut rang, s’en montra le plus digne.

De retour à Babylone, Alexandre trouva vingt mille soldats persans que lui amenait Peucestas, avec un renfort de Cosséens et de Tapuriens, les plus belliqueux des peuples voisins de la Perse. Philoxène et Ménandre arrivèrent chacun à la tête d’une armée, l’un de la Carie, l’autre de la Lydie. Ménidas vint à la tête de sa cavalerie. On vit des députations de la Grèce apporter au con-