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ARRIEN, LIV. V.

niens y arrivent en s’aidant mutuellement. Bientôt le signal est donné, ils tombent sur les Barbares, qui se retirent, et en tuent un grand nombre dans leur fuite : la plupart, saisis d’effroi, roulent dans des précipices.

Maître d’un rocher inaccessible à Hercule, Alexandre y sacrifie, et y laisse une garnison sous les ordres de Sisicotte, qui d’abord abandonna l’Inde pour Bessus, et Bessus pour Alexandre, qu’il servit fidèlement avec toutes ses troupes, lorsque celui-ci eut conquis la Bactriane.

Apprenant que le frère d’Assacanus avait fui dans les montagnes des Assacéniens avec un grand nombre de Barbares et des éléphans, Alexandre tourne de ce côté. Arrivé à Dyrta, il la trouve abandonnée ainsi que tout le pays voisin.

Le lendemain mille Hypaspistes et la troupe légère des Agriens, sous les ordres de Néarque, et trois mille Hypaspistes sous ceux d’Anthiocus, s’avancent pour reconnaître les lieux, les Barbares et le nombre des éléphans.

Alexandre marche vers l’Indus : l’armée en avant lui ouvre les passages qui, sans cette précaution, seraient impraticables. Il fait quelques prisonniers Barbares qui l’assurent que les Indiens de cette contrée se sont sauvés vers Barisade, et ont laissé leurs éléphans paître le long du fleuve. Il se fait conduire sur ces rives : il détache plusieurs Indiens exercés à la chasse de ces animaux ; excepté deux qui tombèrent dans des précipices, tous furent pris, montés par des hommes, et conduits à la suite de l’armée.

Alexandre voit des arbres près du fleuve, les fait abattre : on en fabrique des barques sur lesquelles il descend l’Indus jusqu’aux lieux où Hephæstion et Perdiccas avaient depuis long-temps jeté un pont.


LIVRE CINQUIÈME.

Chapitre premier. Entre le Cophès et l’Indus se présente la ville de Nysa, fondée, dit-on, par Bacchus, vainqueur de l’Inde.

Quel est ce Bacchus et quand a-t-il porté la guerre dans les Indes ? était-il venu de Thèbes ou de Tmole (en Lydie) ? Obligé de traverser les nations les plus belliqueuses alors inconnues aux Grecs, comment n’a-t-il soumis que les Indiens ? Il ne faut point percer trop avant dans tout ce que la fable rapporte des dieux. Les récits les plus incroyables cessent de l’être, lorsque les faits appartiennent à quelque divinité.

Alexandre, arrivé devant cette ville, vit venir à sa rencontre une députation de trente principaux citoyens, à la tête desquels était Acuphis, le premier d’entre eux ; ils lui demandent de respecter, en l’honneur du Dieu, la liberté de leur ville. Arrivés dans la tente d’Alexandre, ils le trouvent couvert de ses armes et de poussière, le casque en tête et la lance à la main. À cet aspect, ils se prosternent épouvantés, et gardent un long silence.

Alexandre les relève avec bienveillance, et les encourage. Alors Acuphis : « Au nom de Dionysus, daignez, prince, laisser à la ville de Nysa sa liberté et ses lois. Le grand Dionysus, prêt à retourner dans la Grèce, après la conquête de l’Inde, fonda cette ville monument éternel de sa course triomphale. Il la peupla des compagnons émérites de son expédition. Héros ! c’est ainsi que vous avez fondé une Alexandrie sur le Caucase, une autre en Égypte ; c’est ainsi que tant de villes portent ou porteront le nom d’un conquérant déjà plus grand que Bacchus. Ce Dieu appela notre ville Nysa, en mémoire de sa nourrice ; ce nom

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