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das arriva. Désespéré de sa faute, il crut avoir encore quelque ressource dans l’affection de ses troupes étrangères ; il en forma une forte colonne, et résolut de s’ouvrir un passage au travers des Achéens qu’il supposait occupés à courir après les fuyards. Mais Philopœmen avait prévu tout ce que son ennemi pouvait tenter, et aussitôt qu’il eut mis les Lacédémoniens en désordre, ce général fit plusieurs détachemens, tant pour fortifier Polybe, qui gardait le passage près de la montagne, que pour occuper d’autres postes le long du ravin. Lui-même se tint avec quelques officiers généraux sur l’autre bord du fossé, afin d’observer toutes les mesures que Machanidas pourrait prendre.

Il s’avançait fièrement avec sa colonne contre le corps que commandait Polybe au pied de la montagne, et l’on ne sait ce qu’il aurait effectué, lorsque ses étrangers, qui ne virent dans sa résolution qu’un acte de désespoir, se débandèrent tout d’un coup, et l’abandonnèrent. Il resta, lui troisième, avec un ami et le général des Tarentins.

Machanidas s’éloigna alors en galopant le long du ravin, afin de trouver un passage, mais Philopœmen ne le perdait pas de vue ; et au moment où le tyran s’élançait avec son cheval, pour atteindre l’autre côté de la plaine, il le tua d’un coup de lance, que Machanidas ne put parer. Après ce dernier exploit, Philopœmen rassembla ses détachemens, marcha sur Tégée qu’il soumit sans peine, et s’établit dans le pays de l’ennemi.

Il est difficile de pousser plus loin l’art des manœuvres, que ne l’a fait Philopœmen dans cette bataille si instructive. Malheureusement c’est le dernier exemple de science militaire qu’on retrouve parmi les Grecs. Après Philopœmen, l’art déclina rapidement dans ces républiques qui avaient formé de si grands capitaines, et l’on ne reconnaît plus les descendans des vieux guerriers de la Macédoine, dans l’espèce de soldats qui composaient les armées des rois d’Égypte, de Syrie, et même celles de Mithridate, lorsque l’Asie fut attaquée par les Romains.

On doit avouer pourtant que ces Romains, toujours si habiles à vaincre, ne peuvent produire, dans le cours de leur longue histoire, une guerre qui ressemble pour l’énergie à celle des Grecs contre les Perses, et pour le brillant aux conquêtes d’Alexandre. C’est là qu’on peut réellement juger combien la science donne de supériorité à l’homme sur son semblable ; étude intéressante, capable d’attacher, non seulement le militaire, mais encore les citoyens éclairés de tous les états.




CHAPITRE XIV.


Constitution militaire de la Grèce.


La plupart des guerres que les Grecs eurent à soutenir, se passèrent entre les différens peuples d’origine grecque ; les territoires de ces républiques étaient peu étendus, par conséquent d’une occupation facile ; les troupes subsistaient en saccageant le pays ennemi ; et le but de l’expédition se bornait à la prise de la ville principale, c’est-à-dire le plus souvent à la prise de la ville unique de la contrée. L’usage des diversions par lequel on a l’art d’attirer la guerre sur plusieurs points d’un vaste territoire, ne présentait pas matière à beaucoup de combinaisons avec des gouvernemens incapables de mettre sur pied plus d’une armée.

Aussi les Grecs brillèrent-ils par la tactique. Ils furent savans sur le champ de bataille, et s’occupèrent peu de la

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