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XÉNOPHON.

maisons, ou y seront brûlés. Allons, amis, prenez vos armes : je marche à votre tête, sous la protection des Dieux. Vous, Gadatas et Gobryas, qui connaissez les chemins, soyez nos guides : quand nous serons entrés dans la ville, conduisez-nous droit au palais du roi. — Il ne serait pas étonnant, dit Gobryas, que les portes du palais fussent ouvertes durant cette nuit où toute la ville est occupée de réjouissances : mais nous trouverons certainement une garde près des portes ; on ne manque jamais de l’y établir. Il ne faut pas négliger cet avis, reprit Cyrus : hâtons-nous donc, pour surprendre la garde en désordre. »

Cela dit, les troupes se mettent en marche. Tous ceux qu’elles rencontrent dans les rues de la ville, ou sont passés au fil de l’épée, ou se sauvent dans les maisons, ou jettent l’alarme par leurs cris : les soldats de Gobryas répondent à ces cris, comme s’ils étaient leurs compagnons de débauche, et, prenant le chemin le plus court, arrivent au palais, où ils se réunissent à la troupe de Gadatas. Les portes étaient fermées, et les soldats de la garde buvait autour d’un grand feu : ceux qui avaient ordre de les attaquer, en les chargeant avec impétuosité, leur font sentir qu’ils ne viennent pas les visiter comme amis. Au bruit, aux cris qui s’élèvent et qui pénètrent dans l’intérieur du palais, le roi ordonne qu’on s’informe d’où naît ce tumulte. Quelques-uns des siens se hâtent d’aller en dehors à la découverte : on leur ouvre les portes. Gadatas, profitant du moment, entre avec sa troupe : ceux qui voulaient sortir, retournent sur leurs pas en courant ; Gadatas les poursuit, et les mène battant jusqu’auprès du roi, qu’il trouve debout, un poignard à la main. Les soldats de Gadatas et de Gobryas fondent sur lui, et le tuent : ceux qui étaient avec lui subissent le même sort, les uns en cherchant à parer les coups, les autres en fuyant, d’autres en se défendant avec tout ce qui leur tombe sous la main. Cyrus avait envoyé dans les différens quartiers, des troupes de cavalerie, avec ordre d’égorger tous les Babyloniens qui seraient rencontrés hors des maisons, et de faire publier, par des gens qui sussent le syrien, que ceux qui étaient dans leurs maisons y restassent, que ceux qui en sortiraient seraient punis de morts : ces ordres s’exécutaient.

Lorsque Gadatas et Gobryas eurent rejoint les gros de l’armée, leur premier soin fut de remercier les Dieux, pour la vengeance qu’ils venaient de tirer d’un prince impie. Ils se rendirent ensuite auprès de Cyrus, dont ils baisaient les mains et les pieds, en versant des larmes de contentement et de joie. Le jour venu, les garnisons, instruites et de la prise de la ville, et de la mort du roi, livrèrent les forteresses. Cyrus s’en saisit, et y établit des troupes avec des chefs pour les commander. Il permit aux parens de ceux qui avaient été tués, d’enterrer les corps ; puis il fit publier, par des hérauts, un ordre général aux Babyloniens d’apporter leurs armes ; ceux qui en conserveraient chez eux, seraient punis de mort : les Babyloniens obéirent. Cyrus fit déposer ces armes dans les forteresses, pour les y trouver prêtes au besoin. Ces mesures prises, il manda les mages : comme la ville avait été emportée l’épée à la main, il leur recommanda de réserver pour les Dieux les prémices du butin et les terres consacrées. Il donna les maisons des particuliers et les palais des grands à ceux qu’il jugeait avoir le plus contribué au succès de son entreprise ; distribuant les meilleurs lots aux plus braves, ainsi qu’il avait été décidé, et invitant ceux