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XÉNOPHON.

haut de leur murailles, leur avaient paru faibles. Il n’était pas étonnant qu’ils en jugeassent ainsi : comme l’enceinte de la ville que ces troupes investissaient, était fort étendue, elles ne pouvaient avoir que très peu de profondeur.

Sur cet avis, Cyrus, s’étant placé au centre de l’armée avec ceux qui l’accompagnaient, ordonna que l’infanterie pesante se repliât de droite et de gauche, par les deux extrémités, et allât se ranger derrière la partie de l’armée qui ne ferait point de mouvement ; en sorte que les deux pointes vinssent se réunir au centre où il était. Cette manœuvre donna tout-à-la-fois de la confiance et à ceux qui demeuraient en place, parce que leurs files allaient doubler de hauteur, et à ceux qui se repliaient, parce qu’aussitôt après cette manœuvre, ils se trouvaient en face de l’ennemi.

Quand les troupes qui avaient eu ordre de marcher de droite et de gauche, se furent jointes, elles s’arrêtèrent, animées d’une nouvelle ardeur, les premiers rangs étant soutenus par les derniers, et ceux-ci couverts par les premiers. Au moyen de ce doublement, les premières et les dernières lignes étaient composées des meilleurs soldats ; les moins bons demeuraient enfermés au milieu : disposition très avantageuse pour combattre, et pour empêcher les lâches de fuir. Un autre avantage de cette manœuvre, c’est que la cavalerie et l’infanterie légère, placées aux deux ailes, se rapprochaient d’autant plus du général : que le front de la bataille diminuait par le doublement des files. Les troupes de Cyrus, se tenant bien serrées, se retirèrent à pas rétrogrades, jusqu’à ce qu’elles fussent hors de la portée du trait. Alors elles firent demi-tour à droite, et marchèrent quelques pas en avant ; puis elle firent demi-tour à gauche, se retournant ainsi par intervalles, le visage vers la ville, mais répétant plus rarement leurs haltes, à mesure qu’elles s’en éloignaient davantage. Lorsqu’elles se crurent à l’abri du danger, elles continuèrent leur marche sans interruption, jusqu’à ce qu’elles eussent gagné leurs tentes.

Dès qu’on fut arrivé au camp, Cyrus assembla les chefs, et leur parla en ces termes : « Généreux alliés, après avoir visité la place de tous les côtés, j’ai reconnu, à la hauteur et à la force des murailles, qu’il était impossible de la prendre d’assaut : mais puisque les soldats qu’elle renferme n’osent en sortir pour nous combattre, il nous sera d’autant plus aisé de les réduire en peu de temps par la famine, qu’ils sont en plus grand nombre. Mon avis est donc, si l’on n’en a point d’autre à proposer, que nous en formions le blocus. Ce fleuve qui a plus de deux stades de largeur, demanda Chrysante, ne passe-t-il pas au milieu de la ville ? Oui, répondit Gobryas ; et telle est sa profondeur, que deux hommes, l’un sur l’autre, auraient de l’eau par dessus la tête : aussi est-il, pour la place, une meilleure défense que les remparts. Abandonnons, reprit Cyrus, ce qui surpasse nos forces ; mais songeons à creuser incessamment un fossé large et profond, auquel travaillera chaque compagnie suivant sa tâche qui sera réglée : il nous faudra ainsi moins de gens pour faire le guet. »

Après qu’on eut tracé autour des murailles, les lignes de circonvallation, et qu’on eut ménagé dans l’endroit où elles venaient des deux côtés aboutir au fleuve, un espace suffisant pour y bâtir de grandes tours, les soldats se mirent à creuser une immense tranchée, en jetant de leur côté la terre qu’ils tiraient de l’excavation. Cyrus commença par construire des forteresses sur les bords