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XÉNOPHON.

sans défense ; allons combattre de près, avec nos cavaliers et nos chevaux, armés de toutes pièces, contre une cavalerie presque sans armes. Vous aurez en tête une infanterie que vous connaissez déjà. Quant aux Égypiens, leur armure n’est pas plus avantageuse que leur ordonnance : leurs grands boucliers les empêchent d’agir, et de voir ce qui se passe autour d’eux ; rangés à cent de hauteur, très peu de ces soldats seront en état de combattre. Tenteront-ils de nous enfoncer par l’effort de leur masse, il faudra qu’ils soutiennent d’abord celui de nos chevaux que le fer dont ils sont bardés rend encore plus terrible. Si quelques-uns résistent à ce premier choc, se défendront-ils à-la-fois contre notre cavalerie, notre infanterie et nos tours ? Je compte sur les guerriers dont ces tours sont garnies : les traits dont ils accableront l’ennemi, le décourageront. Cependant si vous croyez avoir besoin de quelque chose, dites-le : j’espère qu’avec l’aide des Dieux, nous ne manquerons de rien. Avez-vous un avis à ouvrir, parlez : sinon, allez invoquer les Dieux à qui nous venons de sacrifier ; retournez ensuite à vos compagnies, et faites-leur part de ce que je viens de dire. Que votre contenance, votre air, vos discours, tout en vous annonce une noble assurance, et vous montre dignes de commander. »




LIVRE SEPTIÈME.

Chapitre premier. Les chefs ayant imploré les Dieux, allèrent reprendre leurs rangs. Cyrus était encore occupé aux sacrifices, lorsque des serviteurs apportèrent pour lui et sa suite des viandes et du vin. Il en offre aussitôt les prémices aux Dieux, en mange, et en présente à ceux qui en désirent. Il boit ensuite après avoir fait des libations et des prières : tous les assistans suivent son exemple. Enfin, après avoir prié le Dieu de ses pères d’être son guide et son appui, il monte à cheval, et ordonne à sa troupe de le suivre. Tous ceux qui la composaient, étaient armés comme lui : tous avaient la tunique de pourpre, la cuirasse et le casque d’airain, le panache blanc, un javelot de bois de cormier et une épée. Le chanfrein et le poitrail des chevaux, ainsi que les bardes qui leur couvraient la croupe, étaient d’airain : les cuissards des cavaliers étaient de même métal. Les armes de Cyrus ne différaient de celles de sa troupe, sur lesquelles on avait appliqué une couleur d’or, que par le poli qui les rendait brillantes comme un miroir.

Monté sur son cheval, il s’arrêtait un moment, et regardait de quel côte il marcherait, lorsque tout-à-coup le tonnerre se fit entendre à sa droite : « Nous te suivons, grand Jupiter, s’écria-t-il. » Aussitôt il partit, ayant à sa droite l’hipparque Chrysante avec ses cavaliers, à sa gauche Arsamas à la tête de l’infanterie. Il leur recommanda de marcher d’un pas égal, et de suivre des yeux son étendard, qui était une aigle d’or déployée au bout d’une longue pique. Tel est encore aujourd’hui l’étendard des rois de Perse.

Avant d’apercevoir l’ennemi, Cyrus fit faire halte trois fois à ses troupes. Après une marche de vingt stades, elles commençaient à découvrir les Assyriens, qui venaient à leur rencontre. Lorsque les deux armées furent en présence, Crésus ayant remarqué que son front débordait considérablement de droite et de gauche celui de Cyrus, fit faire halte à sa phalange, ce qui était