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XÉNOPHON.

sens pour Cyrus et ses troupes, et ordonna aux Arméniens destinés à servir dans l’armée perse, de s’y rendre dans trois jours. En même temps il compta le double de l’argent qu’il devait fournir : mais Cyrus, après avoir pris la somme qu’il avait demandée, lui rendit le surplus ; ensuite il s’informa si ce serait le père ou le fils qui commanderait les troupes arméniennes. « Celui que tu voudras, répondit le roi. — Pour moi, Cyrus, ajouta Tigrane, je ne te quitterai point, dussé-je ne te suivre que pour porter le bagage. — Combien donnerais-tu, repartit Cyrus en riant, pour que ta femme apprît que tu es porteur de bagages ? — Il ne sera pas nécessaire de le lui apprendre, car elle me suivra et pourra voir toutes mes actions. — Hâtez-vous donc de faire vos préparatifs. — Compte que nous serons prêts et munis de tout ce que mon père doit nous donner. » Les soldats, après avoir reçu leurs présens, allèrent prendre du repos.

Chap. 2. Le lendemain, Cyrus escorté de Tigrane, d’une troupe des meilleurs cavaliers mèdes, et de ceux de ses amis qu’il jugeait à propos d’avoir avec lui, sortit du camp, à cheval, pour aller reconnaître le pays et voir où l’on pourrait construire une forteresse. Arrivé sur une éminence, il pria Tigrane de lui indiquer les montagnes d’où les Chaldéens descendaient pour venir piller l’Arménie. Tigrane les lui ayant montrées, Cyrus lui demanda si elles étaient pour lors abandonnées. « Non certes, les Chaldéens y tiennent sans cesse des sentinelles qui leur donnent avis de tout ce qu’elles aperçoivent. — Que font-ils quand ils sont ainsi avertis ? — Ils en défendent l’accès de toutes leurs forces. » Après cette réponse, Cyrus remarqua qu’une grande partie de la campagne était, par les suites de la guerre, inculte et déserte. Il retourna au camp avec son escorte ; et bientôt on soupa, puis l’on prit du repos. Le jour suivant, arriva Tigrane avec son bagage, suivi de quatre mille cavaliers, dix mille archers, et autant de peltastes.

Pendant que les troupes arméniennes s’assemblaient, Cyrus offrait des sacrifices. Ayant obtenu de favorables augures, il convoqua les chefs des Mèdes, et leur tint ce discours : « Mes amis, ces montagnes que nous voyons appartiennent aux Chaldéens ; mais si nous en devenons maîtres et que nous construisions un fort sur le sommet, nous tiendrons en respect et la Chaldée et l’Arménie. Les auspices sont pour nous ; d’ailleurs, rien ne secondera mieux le courage que la célérité. Si nous atteignons le haut de la montagne avant que les Chaldéens s’y rassemblent, ou nous nous y établirons sans coup férir, ou du moins nous n’aurons affaire qu’à une poignée de faibles ennemis. Il n’y a point d’entreprise plus facile ni moins périlleuse, si nous déployons une activité soutenue. Courez donc aux armes : vous Mèdes, avancez par la gauche ; qu’une moitié de vous, Arméniens, prenne la droite, que l’autre moitié fasse l’avant-garde : vous, cavaliers, restez sur les derrières, pour nous encourager et hâter notre marche ; ne souffrez point de traîneurs. »

À peine eut-il cessé de parler, qu’il se mit à la tête de ses troupes formées en colonnes. Les Chaldéens voyant une armée qui marchait rapidement vers la montagne, donnèrent aux leurs le signal convenu, et se rassemblèrent en s’appelant les uns les autres à grands cris. Cyrus encourageait ses soldats : « Perses, entendez-vous ? nos ennemis nous disent de nous hâter. Si nous gagnons les premiers le sommet de la montagne, tous leurs efforts deviendront inutiles. » Or