Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/606

Cette page a été validée par deux contributeurs.


La Cyropédie de Xénophon est-elle une histoire, est-elle un roman ? Cette question est loin de manquer d’intérêt pour les érudits qui aiment à conquérir une légère parcelle de vérité difficile, par les procédés d’une critique à-la-fois subtile et profonde. Ici ce genre de dissertation ne serait pas à sa place, et toutefois il est probable qu’en dernier résultat nous serions conduits, par nos recherches, à conclure que la Cyropédie est tout ensemble une histoire et un roman ; histoire, par les traits que Xénophon avait recueillis sur l’éducation générale donnée en Perse aux jeunes gens d’une caste privilégiée, celle des guerriers ; roman, parce que l’auteur a évidemment rattaché avec complaisance, avec amour, ses idées favorites, et les fruits de son expérience consommée dans l’art de la guerre, aux documens recueillis par lui sur la jeunesse de Cyrus. Xénophon a décrit l’enfance et la vie d’un prince élevé d’une manière qui plaisait à son imagination et à ses affections politiques, parce qu’il trouvait l’occasion d’ajouter à la réalité tous les préceptes de ses propres doctrines. Ce livre, qui offre quelque analogie avec le Télémaque de Fénélon, est peut-être l’un de ceux dont la lecture est la plus attachante parmi les monumens littéraires de la Grèce. Il y règne une simplicité de style tout antique, un fond de bon sens remarquable, des aperçus ingénieux semés à pleines mains. Mais si jamais un ouvrage de ce genre fut véritablement à sa place, malgré l’apparence romanesque attachée à son titre, c’est dans cette Bibliothèque spéciale destinée aux militaires. La Cyropédie est curieuse à étudier comme le plus ancien monument d’une éducation guerrière ; a-t-elle moins de charme parce qu’il s’y joint l’intérêt