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n’a plus besoin de vaisseaux qui épuisent ses finances ; il va devenir maître de l’Asie sans s’exposer à un échec capable de ternir l’éclat de ses armes.

Par la conquête de la Lycie et de la Pamphilie, ce prince assujétit toute la côte ; il entre ensuite dans le comté de la Mylias pour y passer la partie la plus difficile de l’hiver ; enfin, ayant franchi heureusement le pas de Cilicie, il arrive à Tarse, et peu de temps après livre la bataille d’Issus, dans laquelle il défait entièrement l’armée des Perses.

Alexandre poursuit son dessein, et sans se laisser séduire par une victoire aussi brillante, continue de prendre les villes maritimes, parce qu’il a reconnu que c’est le seul moyen de réaliser ses vastes projets. En conséquence il passe dans la Phénicie.

Voilà tout le secret de l’expédition d’Alexandre en Asie. Maintenant il peut porter son armée dans les contrées les plus lointaines ; ses derrières et ses communications avec la Grèce seront toujours assurés.




CHAPITRE XI.


Prise de Tyr et de Gaza. — Progrès faits dans la Poliorcétique à l’époque de ces siéges mémorables. — Fondation d’Alexandrie.


Les premières enceintes élevées autour des villes n’avaient été couronnées dans l’origine que par un mur d’appui, garni de créneaux, et placé sur le bord extérieur de la sommité du rempart. Mais bientôt on s’aperçut qu’on ne découvrait pas le pied des murailles ; et c’est alors que vint l’idée des machicoulis. Cette invention ingénieuse consiste à mettre en saillie au-delà du mur une galerie soutenue par des corbeaux en pierre de taille. On voit encore des machicoulis dans quelques châteaux, ainsi que dans les ruines des anciennes villes de guerre. Ce moyen, combiné avec les ouvertures que l’on pratiquait entre les intervalles des supports placés de dix en dix décimètres, perfectionna beaucoup la fortification.

À cette première époque, l’attaque se faisait ou par l’escalade au moyen des échelles et de la tortue, ou par la mine. Pour exécuter la disposition en tortue, une partie des assaillans armée de l’arc et de la fronde, éloignait ceux qui défendaient le haut des remparts ; d’autres formaient la tortue avec leurs boucliers ; et les soldats les plus déterminés montaient dessus pour donner l’escalade. Comme cette opération réussissait difficilement, on imagina l’attaque par la mine.

Sous l’abri d’une petite galerie mouvante, appelée cheloné par les Grecs et musculus par les Romains, des mineurs démolissaient une partie du pied de la muraille, et pratiquaient dans son intérieur une grande chambre garnie d’étançons pour soutenir les travaux. On la remplissait de matières inflammables dont la combustion entraînait la chute d’une partie du mur, et aussitôt que la brèche était praticable on donnait l’assaut.

Mais la défense à cette époque était si supérieure à l’attaque, que les siéges duraient souvent plusieurs années, et finissaient par des stratagèmes ou des trahisons. On fut donc conduit naturellement à perfectionner l’attaque industrielle, et l’on fit usage de galeries couvertes pour aller du camp jusqu’au pied de la muraille. Les tortues ou tours-belières présentèrent ensuite un système d’attaque plus formidable ; enfin parurent ces fameuses tours en charpente à plusieurs étages, avec des beliers, des ponts qui se baissaient pour