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XÉNOPHON, LIV. VII.

avec les deux Grecs qu’on avait délivrés. Cléandre sacrifia pour consulter les Dieux sur le départ. Xénophon et lui conçurent, en se fréquentant, de l’amitié l’un pour l’autre, et ils se lièrent tous les deux par les nœuds de l’hospitalité. Quand ce Lacédémonien eut vu les soldats exécuter avec précision les commandemens qu’on leur faisait, il désira bien davantage d’être à la tête de l’armée ; mais il eut beau sacrifier pendant trois jours, il ne put obtenir l’aveu des Dieux. Il assembla enfin les généraux, et leur dit : « Les présages que je trouve dans les entrailles des victimes ne me permettent point de conduire l’armée. Que ce refus des Dieux ne vous décourage pas ; c’est à vous probablement qu’il est réservé par eux de la ramener hors de l’Asie ; mettez-vous en marche ; je vous recevrai de mon mieux à votre arrivée à Byzance. »

Les soldats résolurent de lui offrir le menu bétail qui était au dépôt commun. Cléandre le reçut par honneur, mais le rendit aussitôt aux Grecs. Lui-même mit à la voile. Les soldats, après avoir vendu le blé qu’ils avaient apporté et les autres effets qu’ils avaient pris, se mirent en marche à travers la Bithynie ; mais comme en suivant le chemin le plus droit ils ne trouvèrent rien à piller, le désir de ne pas rentrer en pays ami les mains vides leur fit prendre la résolution de revenir sur leurs pas pendant un jour et pendant une nuit. Ayant exécuté ce dessein, ils firent un grand nombre de prisonniers et emmenèrent beaucoup de menu bétail. Ils arrivèrent le sixième jour à Chrysopolis, lieu du territoire de Chalcédoine ; ils y demeurèrent sept jours, occupés à vendre le butin qu’ils avaient fait.




LIVRE SEPTIÈME.

On a rapporté dans les livres précédens, d’abord toutes les actions des Grecs pendant leur marche aux ordres de Cyrus, jusqu’à l’affaire où ce prince fut tué ; ensuite ce qui leur arriva dans leur retraite depuis le champ de bataille jusqu’aux bords du Pont-Euxin ; ce qu’ils firent enfin en côtoyant, soit par terre, soit par eau, les rivages de cette mer jusqu’à ce qu’ils parvinssent à Chrysopolis, en Asie, sur le Bosphore.

Alors Pharnabaze craignant que cette armée ne portât la guerre dans son gouvernement, envoya vers Anaxibius, amiral des Lacédémoniens, qui se trouvait pour lors à Byzance. Il le pria de faire sortir ces troupes de l’Asie, et lui promit de reconnaître ce service en faisant tout ce qu’Anaxibius exigerait de lui. Ce Lacédémonien fit venir les généraux et les chefs de lochos grecs à Byzance, et s’engagea donner une paie aux soldats s’ils traversaient le détroit. Les autres généraux se chargèrent de faire mettre l’objet en délibération, et de lui rapporter la réponse des troupes. Xénophon seul dit qu’il voulait enfin quitter l’armée et s’embarquer pour retourner en Grèce. Anaxibius l’exhorta à rester encore avec les Grecs pendant le passage, et à ne s’en séparer qu’ensuite ; Xénophon le lui promit.

Seuthès, Thrace, envoie aussi Médosade à Xénophon ; il veut l’engager à l’aider de tous ses efforts pour faire traverser à l’armée le Bosphore, et lui promet que s’il s’y emploie avec zèle, il n’aura pas lieu de s’en repentir. Ce général répond : « Les Grecs vont certainement passer ce détroit, et Seuthès n’a besoin de rien promettre ni à moi, ni à qui que ce soit pour l’obtenir. Dès que l’armée aura le pied en Europe, je la quitterai. Qu’il s’adresse donc, comme il le