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XÉNOPHON, LIV. III.

qu’ils ont commis, et de leur faire la guerre par toutes sortes de moyens, nous avons, si les Dieux nous aident, l’espoir le mieux fondé de nous sauver avec gloire. » Pendant que Xénophon parlait ainsi, un Grec éternue. Les soldats l’ayant entendu se prosternent tous en même temps, et adorent le Dieu qui leur donne ce présage. Xénophon leur dit : « Puisqu’au moment où nous délibérons sur notre salut, nous recevons un présage que nous envoie Jupiter sauveur, je suis d’avis que nous fassions vœu de sacrifier à ce Dieu, en actions de grâces de notre délivrance, dès que nous serons en pays ami, et que nous adressions en même temps aux autres Dieux la promesse de leur immoler alors des victimes, selon notre pouvoir. Que ceux qui sont de mon opinion, ajouta Xénophon, lèvent la main. » Tous les Grecs la levèrent. On prononça alors les vœux, et l’on chanta le péan ; puis les hommages dus aux Dieux leur ayant été rendus, Xénophon continua ainsi :

« Je vous disais que nous avons beaucoup de puissans motif d’espérer que nous nous sauverons avec gloire. D’abord nous observons les sermens dont nous avons appelé les Dieux à témoins ; et nos ennemis se sont parjurés : traité, sermens, ils ont tout violé. Il est donc probable que les Dieux combattront avec nous contre nos adversaires, les Dieux qui, aussitôt qu’il leur plaît, peuvent rendre en un moment les grands bien petits, et sauvent avec facilité les faibles des périls les plus imminens. Je vais même vous rappeler les dangers qu’ont courus vos ancêtres, pour vous convaincre qu’il est de votre intérêt de vous conduire avec courage, et, qu’aidés par les immortels, de braves gens se tirent d’affaire à quelques extrémités qu’ils soient réduits. Quand les Perses et leurs alliés vinrent avec une armée nombreuse pour détruire Athènes, les Athéniens osèrent leur résister et les vainquirent. Ils avaient fait vœu à Diane de lui immoler autant de chèvres qu’ils tueraient d’ennemis, et n’en trouvant pas assez pour accomplir leur promesse, ils prirent le parti d’en sacrifier cinq cents tous les ans, usage qui dure encore. Lorsqu’ensuite Xerxès, qui avait rassemblé des troupes innombrables, marcha contre la Grèce, vos ancêtres battirent sur terre et sur mer les aïeuls de vos ennemis. Vous en voyez des monumens dans les trophées qui existent encore ; mais la plus grande preuve que vous en ayez est la liberté des villes où vous êtes nés, et où vous avez reçu votre éducation, car vous ne connaissez point de maître parmi les hommes, et vous ne vous prosternez que devant les Dieux. Tels furent les aïeux dont vous sortez : je ne dirai point qu’ils aient à rougir de leurs neveux. Il y a peu de jours qu’opposés en ligne aux descendans de l’armée de Xerxès, vous avez, avec l’aide des Dieux, vaincu des troupes beaucoup plus nombreuses que les vôtres ; vous vous êtes conduits alors avec distinction, quoiqu’il ne s’agit que de mettre Cyrus sur le trône. Aujourd’hui qu’il y va de votre salut, il vous convient de montrer encore plus d’ardeur et de courage ; vous devez même désormais attaquer l’ennemi avec plus d’audace. Avant que vous eussiez éprouvé ce que sont les Perses, vous ayez marché contre une multitude innombrable, et avez osé les charger avec ce courage qui est héréditaire aux Grecs ; maintenant vous savez par expérience que les Barbares, en quelque nombre qu’ils soient, se gardent bien de vous atten-