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seules figures propres à un assemblage d’hommes réunis pour le mouvement et l’action. Cela souffre beaucoup de modifications ; les deux modes extrêmes sont la colonne profonde, jusqu’au point où une plus grande profondeur lui serait évidemment inutile ; et le front allongé, jusqu’au point où une plus grande longueur lui rendrait la marche impossible. Au reste, tous les cas qui arrivent à la guerre, et toutes les manières de combattre se réduisent toujours à la colonne et à la ligne de bataille ; la meilleure figure est donc celle qui pour l’attaque et pour la défense, et dans quelque terrain que ce soit, est la plus propre à se former promptement de ligne en colonne et de colonne en ligne, selon le besoin. »

Si cette définition est exacte, et personne ne le contestera, je le suppose, on doit avouer qu’Épaminondas n’a rien fait dans ses deux batailles mémorables, que de mettre en pratique ce que Lloyd indique en théorie. Mais Guibert, préoccupé de ses idées exclusives sur l’ordre mince, ne voulait rien admettre des anciens qui combattaient sur un ordre profond. Il semble que ce tacticien adopte pour ses lecteurs cette maxime de saint Remi lorsqu’il apostropha Clovis avant de lui donner le baptême : « Brûle ce que tu as adoré. »




CHAPITRE IX.


De Philippe et d’Alexandre. — Bataille de Chéronée. — Passage du Granique.


Une nouvelle puissance s’élevait insensiblement dans la Grèce ; c’était celle des Macédoniens. Depuis plus de quatre cents ans que ce peuple subsistait, on ne l’avait pas encore vu figurer sur le théâtre de la guerre, et les Grecs le traitaient de barbares comme les Perses ; mais plusieurs circonstances concoururent à le tirer de cette apathie, et ce fut lui qui apporta les plus grands changemens dans les républiques de ce pays.

Depuis la bataille de Mantinée jusqu’au règne de Philippe, roi de Macédoine, l’histoire de la Grèce n’offre plus rien d’intéressant. Athènes et Sparte sont humiliées, Thèbes n’est plus, et les Grecs, fatigués de leurs longues dissensions, signent une paix générale sous la médiation d’Artaxerxès qui avait besoin de leurs secours pour réprimer en Égypte et dans l’Asie même, des séditions qui troublèrent les deux dernières années de son règne.

Dans sa jeunesse, Philippe avait été conduit à Thèbes comme otage, et il y avait reçu la plus grande partie de son éducation. Il acquit à l’école d’Épaminondas cette connaissance intime de l’art de la guerre qu’il déploya dans la suite pendant la durée de son règne glorieux. À peine était-il sur le trône, qu’il leva un corps de six mille Macédoniens. Il l’exerçait souvent sous ses yeux, traitait les soldats avec bonté, les appelait ses camarades, leur donnait l’exemple, et par là en fit autant de héros. Dans la suite ce corps fut augmenté, mais il garda toujours le nom de phalange macédonienne qui le distinguait des autres troupes de l’armée.

Avec ses talens militaires et politiques, ce roi de Macédoine devait fonder une puissance formidable. Aucun prince ne connut mieux que Philippe l’art de semer la discorde, celui de négocier avantageusement et de saisir l’à-propos pour recourir aux armes. C’est de lui que vient ce mot fameux qu’aucune forteresse n’est imprenable pourvu qu’un mulet chargé d’or y puisse monter.

La Macédoine, qui ne présentait qu’un très petit royaume, avait été morcelée par ses voisins. Philippe reprit les provinces démembrées, autant par la ruse