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XÉNOPHON, LIV. I.

y séjourna trois jours, pendant lesquels arrivèrent trente-cinq vaisseaux venant du Péloponnèse et commandés par Pythagore, Lacédémonien. Tamos, Égyptien, les conduisait depuis Éphèse. Il avait avec lui vingt-cinq autres vaisseaux de Cyrus, avec lesquels il avait assiégé Milet, ville dans le parti de Tissapherne, et avait servi le prince contre ce satrape. Sur ces bâtimens étaient Chirisophe, Lacédemonien, qu’avait mandé Cyrus, et sept cents hoplites qu’il commandait pour ce prince. Les vaisseaux jetèrent l’ancre et mouillèrent près de la tente de Cyrus. Ce fut là que quatre cents hoplites grecs à la solde d’Abrocomas, ayant déserté de son armée, se joignirent à Cvrus et marchèrent avec lui contre le roi.

D’Issus, ce prince, dans une marche de cinq parasanges, vint aux portes de la Cilicie et de la Syrie. C’étaient deux murailles. Celle du côté de la Cilicie était gardée par Syennésis et par ses troupes. On prétendait qu’une garnison d’Artaxerxès occupait celle qui était au-delà et du côté de la Syrie. Entre les deux, coule le fleuve Carsus, large d’un plèthre. La distance des murailles est de trois stades. On ne pouvait forcer ce défilé, car le chemin était étroit, les fortifications descendaient jusqu’à la mer ; au-dessus étaient des rochers à pic et l’on avait pratiqué des portes dans les murailles. C’était pour s’ouvrir ce passage que Cyrus avait fait venir sa flotte, voulant pouvoir porter des hoplites, soit dans l’intervalle, soit au-delà des murailles, et passer en forçant les ennemis s’ils gardaient le pas de Syrie ; car Cyrus présumait qu’Abrocomas, qui avait beaucoup de troupes à ses ordres, n’y manquerait pas. Abrocomas cependant n’en fit rien ; mais dès qu’il sut que Cyrus était en Cilicie, il se retira de la Phénicie et marcha vers le roi avec une armée qu’on disait être de trois cent mille hommes.

De là on fit en un jour de marche cinq parasanges dans la Syrie, et on arriva à Myriandre, ville habitée par les Phéniciens et située sur le bord de la mer. C’était un lieu commerçant. Beaucoup de vaisseaux marchands y mouillaient. On y séjourna sept jours. Deux généraux grecs, Xénias d’Arcadie et Pasion de Mégare, montant sur un petit bâtiment et y chargeant ce qu’ils avaient de plus précieux, mirent à la voile. Ils étaient, suivant l’opinion la plus commune, mécontens et jaloux de ce que Cyrus laissait à Cléarque ceux de leurs soldats qui s’étaient joints à lui pour retourner en Grèce et pour ne pas marcher contre Artaxerxès. Dès que ces généraux eurent disparu, on prétendit que Cyrus enverrait contre eux ses trirèmes, et les uns souhaitaient qu’ils fussent arrêtés et traités comme des fourbes, d’autres plaignaient le sort qui les attendait, s’ils tombaient entre les mains de ce prince.

Cyrus ayant assemblé les généraux, leur dit : « Xénias et Pasion nous ont abandonnés. Mais qu’ils ne se glorifient pas d’avoir trompé ma vigilance, et de m’avoir échappé ; car je sais où ils vont, et j’ai des trirèmes qui me ramèneraient bientôt leur bâtiment. Mais j’atteste les Dieux que je ne les poursuivrai pas. Personne ne dira que, tant qu’un homme reste a mon service, je l’emploie utilement pour moi, et que lorsqu’il veut se retirer je l’arrête, le traite mal et le dépouille de ses richesses. Qu’ils s’en aillent donc et songent qu’ils en usent plus mal envers moi que moi envers eux. J’ai en mon pouvoir leurs femmes, leurs enfans, qu’on garde dans la ville de Tralles, mais ils ne seront pas même privés de ces gages. Ils les recevront de mes mains comme le prix de