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XÉNOPHON, LIV. I.

de tout son crédit cette demande de son fils, en sorte qu’Artaxerxès, loin de soupçonner le piége qu’on lui tendait, crut que Cyrus ne faisait ces armemens dispendieux que contre Tissapherne. Il ne fut pas même fâché de les voir en guerre ; car son frère lui envoyait exactement les tributs dus au monarque par les villes qui avaient appartenu à ce satrape.

Il se levait pour Cyrus une autre armée dans la presqu’île de Thrace vis-à-vis d’Abydos ; et voici de quelle manière. Cléarque, Lacédémonien, était banni de sa patrie ; Cyrus l’ayant connu, conçut de l’estime pour lui et lui donna dix mille dariques. Cléarque employa cette somme à lever des troupes avec lesquelles, faisant des excursions hors de la Chersonèse, il porta la guerre chez les Thraces, qui habitent au-dessus de l’Hellespont. Il assurait par-là le repos des colonies grecques établies de ces côtés, et la plupart des villes situées sur l’Hellespont fournissaient volontairement des subsides pour l’entretien de ses soldats. C’était un second corps de troupes à la disposition du prince, et qui ne faisait point d’ombrage au roi. Aristippe, Thessalien, hôte de Cyrus, persécuté par une des factions qui divisaient sa patrie, vient le trouver, et lui demande environ deux mille soldats grecs, avec leur solde de trois mois, l’assurant qu’au moyen de ce secours il viendra à bout de ses adversaires. Cyrus lui donne environ quatre mille hommes et leur paie de six mois, lui recommandant de ne point s’accommoder avec la faction opposée qu’il n’en soit convenu avec lui. Nouvelle armée entretenue en Thessalie, à la disposition de Cyrus, sans qu’on se doutât qu’il y eut part. Il ordonne à Proxène de Béotie, dont il était ami, de lever le plus de troupes qu’il serait possible et de venir le joindre, sous prétexte qu’il veut marcher contre les Pisidiens qui inquiètent son gouvernement. Il donne le même ordre à Sophénète de Stymphale, et à Socrate Achéen, tous deux attachés aussi à lui par les liens de l’hospitalité, comme pour faire avec les bannis de Milet la guerre à Tissapherne ; ce que chacun d’eux exécuta.

Lorsqu’il juge qu’il est temps de s’avancer vers la Haute-Asie, il prend pour prétexte de sa marche le projet de chasser entièrement les Pisidiens de son gouvernement. Il a l’air de rassembler contre eux toutes les troupes barbares et grecques qui sont dans le pays. Il fait dire à Cléarque de le joindre avec toutes ses forces, et à Aristippe de lui renvoyer celles qu’il a, après s’être réconcilié avec ses concitoyens. Xénias Arcadien, qui commandait les troupes étrangères dans ses garnisons, reçoit ordre de les amener toutes, et de n’y laisser que ce qui est nécessaire pour la garde des citadelles. Cyrus retire en même temps de devant Milet l’armée qui l’assiégeait, et engage les bannis de cette ville à suivre ses drapeaux, leur promettant que s’il réussit dans son expédition, il ne désarmera point qu’il ne les ait rétablis dans leur patrie. Ils lui obéirent avec plaisir, car ils avaient confiance en lui ; et ayant pris leurs armes, ils le joignirent à Sardes. Xénias y arriva avec près de quatre mille hoplites tirés des garnisons ; Proxène, avec environ quinze cents hoplites, et cinq cents hommes de troupes légères ; Sophénète de Stymphale, avec mille hoplites ; Socrate d’Achaïe, avec cinq cents environ, et Pasion de Mégare, avec sept cents à peu près. Ces deux derniers venaient du siége de Milet. Telles furent les troupes qui joignirent Cyrus à Sardes. Tissapherne ayant observé ces mouvemens, et jugeant que de tels préparatifs étaient trop considérables pour ne menacer que les Pisidiens, partit avec