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THUCYDIDE, LIV. VIII.

Chap. 33. Astyochus alors, prenant les cinq vaisseaux de Corinthe, un de Mégares, un d’Hermione et ceux de la Laconie qu’il avait amenés, partait pour Milet afin de prendre le commandement de la flotte ; il partait, faisant aux habitans de Chio de violentes menaces, et protestant qu’il ne les secourrait pas au besoin. Il avait abordé à Coryce de l’Érythrée et y avait campé. Cependant les Athéniens, qui, de Samos, naviguaient contre Chio avec un appareil militaire, avaient mis à l’ancre de l’autre côté d’un monticule qui séparait les deux flottes ennemies ; elles ne s’aperçurent pas l’une l’autre. Astyochus, ayant reçu de Pédarite une lettre qui lui mandait que des Érythreens prisonniers, relâchés par les Samiens pour tramer une trahison dans leur patrie, s’y rendaient à dessein d’exécuter le complot, retourna aussitôt à Érythres, et peu s’en fallut qu’il ne tombât au milieu des Athéniens. Pédarite fit le trajet pour le joindre : ils firent ensemble des recherches sur la prétendue conspiration, et ayant trouvé que ce n’était qu’une feinte dont ces hommes avaient usé pour se sauver de Samos, ils les déchargèrent d’accusation et partirent, Pédarite pour Chio, Astyochus pour Milet, comme il en avait le dessein. En effet il y allait [avant d’avoir reçu la lettre de Pédarite].

Chap. 34. Cependant la flotte d’Athènes, sortie de Coryce, fit, en doublant le cap d’Arginum, la rencontre de trois vaisseaux longs de Chio : elle ne les eut pas plus tôt aperçus, qu’elle se mit à leur poursuite. Une grande tempête s’éleva : les vaisseaux de Chio se réfugièrent avec peine dans le port : de ceux des Athéniens, les trois qui s’étaient le plus avancés se brisèrent et échouèrent près de la ville, avec perte considérable d’hommes pris ou tués ; les autres se sauvèrent dans le port situé au pied du mont Mimas, et qu’on appelle Phéniconte ; de là ils passèrent à Lesbos, et travaillèrent à se retrancher.

Chap. 35. Le même hiver, le Lacédémonien Hippocrate, parti du Péloponnèse, lui troisième, avec un vaisseau de la Laconie, un de Syracuses et dix de Thurium, qu’avait commandés Doriée, fils de Diagoras, aborda à Cnide, qui s’était détachée de Tissapherne. Ceux de Milet le prièrent aussitôt de n’employer que la moitié de ses bâtimens à la garde de Cnide, et d’aller, avec ceux qui étaient à Triopium, protéger une flotte marchande qui venait d’Égypte : Triopium, promontoire de la Cnidie, est hiéron d’Apollon. Sur ces nouvelles, les Athéniens partirent de Samos et prirent les six vaisseaux qui étaient de garde à Triopium : les hommes leur échappèrent. Voguant ensuite à Cnide, ils assaillirent la ville, qui n’est pas murée, et fallirent la prendre. Le lendemain, second assaut : mais on avait employé la nuit à se mettre en meilleur état de défense, et les hommes échappés de Triopium s’étaient jetés dans la place. Les assiégeas firent moins de mal aux ennemis que la veille ; ils se répandirent dans la campagne, la ravagèrent, et remirent à la voile pour Samos.

Chap. 36. À la même époque, quand Astyochus vint trouver la flotte à Milet, les Peloponnésiens étaient encore bien munis de tout ce qu’exigeaient les besoins de l’armée. Le subside accordé suffisait à la solde ; il restait aux soldats de grandes richesses qu’ils avaient pillées à Iasos, et les Milésiens supportaient avec zèle le poids de la guerre. Cependant les Péloponnésiens trouvaient incomplet et peu avantageux le premier traité fait entre Tissapherne et Chalcidée. Ils en firent un autre qui fut dirigé par Théramène, et dont voici la teneur :